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Mme de Longueville le distingua ; éblouie par les sentimens généreux dont il faisait montre en toute occasion, ne devinant pas l’égoïsme profond caché sous ses belles paroles, sans que l’ardeur des sens fût pour rien dans cet entraînement, elle devint sa maîtresse, et résolut de s’associer sans réserve à sa destinée. M. Cousin a réfuté avec un soin pieux les accusations portées contre Mme de Longueville. Il a, je crois, démontré avec une pleine évidence le vrai rôle de cette femme, si puissante par son esprit et sa beauté, dans les troubles de la fronde. Plusieurs historiens avaient affirmé que, sans elle, le duc de La Rochefoucauld fût demeuré, fidèle à l’autorité royale, qu’il s’était fait frondeur pour plaire à sa maîtresse. M. Cousin a établi par de nombreux témoignages que Mme de Longueville, étrangère à toute ambition, s’est dévouée à son amant, lui a toujours obéi, ne l’a jamais entraîné, qu’elle a risqué pour lui sa fortune et sa vie : aujourd’hui la réhabilitation est complète. C’est pour assurer le succès des intrigues, ourdies par le duc de La Rochefoucauld que Mme de Longueville a mis ses diamans en gage et s’est livrée en otage aux bourgeois de Paris réunis à l’Hôtel-de-Ville. Toute sa conduite respire le plus parfait désintéressement. Si l’étude attentive de tous ses mouvemens, d’autres diraient de toutes ses équipées, durant la guerre de la fronde ne suffisait pas à l’établir, les calomnies dirigées contre elle par le duc de La Rochefoucauld, après leur rupture seraient une preuve sans réplique. Un homme capable de traiter ainsi sa maîtresse n’a jamais pu se laisser entraîner par l’ascendant de la jeunesse et de la beauté. Il ne s’est pas dévoué, mais il a exploité le dévouement de celle qui s’était donnée à lui tout entière, et lors même qu’on négligerait ces calomnies, qui sont d’un si grand poids dans la question, à qui ferait-on croire que l’auteur des Maximes ait compromis son crédit, risqué sa liberté, pour plaire à une femme ? Le duc de La Rochefoucauld, en écrivant ses Maximes, c’est-à-dire le code complet de l’égoïsme, peignait évidemment l’humanité, ou du moins croyait la peindre en ne prenant pour modèle que son propre cœur. Ayant fait sa paix avec la cour, il ne craignait plus d’avouer hautement son ingratitude envers sa maîtresse, qui l’avait si fidèlement servi. Il jetait le masque, foulait aux pieds comme des hochets d’enfant tous les beaux sentimens du prince de Marcillac, et révélait à nu toute la sécheresse de son âme. La lecture des Maximes achève l’apologie de Mme de Longueville.

M. Cousin, par un entraînement bien naturel et bien excusable sans doute, oublie un instant son héroïne pour nous parler de son frère le duc d’Enghien, qui fût plus tard le grand Condé. Plein d’admiration pour la bravoure, la résolution et le coup d’œil militaire de ce jeune et brillant capitaine, il prend plaisir à nous raconter la bataille