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empoisonnés ? Justin, qui croit à l’empoisonnement, rapporte, qu’on leva ainsi la difficulté. Philippe et Iolas goûtèrent en effet d’abord le breuvage du roi, et ils n’ajoutèrent qu’ensuite le poison qu’ils tenaient dans de l’eau froide. C’est, comme il sera dit plus loin, l’artifice dont on se servit pour empoisonner Britannicus.

Manifestement, nous n’avons là que des contes sans consistance ; mais il se pourrait que, quoique l’imagination populaire eût fait les frais des moyens par lesquels le crime fut commis, l’empoisonnement n’en eût pas moins été réel. Ceux qui y croyaient remarquaient que Cassandre par ses actions mêmes témoigna la haine qu’il portait à Alexandre, et de la sorte se dénonça comme celui qui avait tranché la vie de ce prince, car plus tard, ayant acquis la souveraine puissance, il se montra animé de sentimens très hostiles pour tout ce qui concernait son ancien souverain, égorgeant Olympias, laissant son corps sans sépulture, et rebâtissant avec ardeur la ville de Thèbes qu’Alexandre avait détruite.

Ces détails prouvent, comme on le sait d’ailleurs par toute l’histoire de ces temps de trouble, que ce n’étaient pas les scrupules de la morale qui auraient arrêté ces hommes puissans se disputant l’empire. Un empoisonnement et un meurtre ne leur coûtaient pas beaucoup. Cependant de pareilles présomptions ne suffisent en aucune façon pour assurer qu’Alexandre mourut, non par une maladie, mais par un poison. Aussi plusieurs ajoutent-ils qu’au moment où il vida la coupe présentée par Iolas, il ressentit une douleur aiguë. Soudain, dit Diodore, comme s’il avait reçu quelque coup violent, il gémit et, poussant de grands cris, fut emporté dans les bras de ses amis. Justin ajoute que ses douleurs étaient telles qu’il demandait un glaive pour s’ôter la vie, et qu’il redoutait le moindre attouchement de ceux qui l’entouraient. Toutefois les assertions de Diodore et de Justin ne sont aucunement confirmées par un récit officiel que nous avons de la maladie d’Alexandre.

Alexandre avait deux historiographes, Eumène de Cardia et Diodore d’Erythrée, qui consignaient jour par jour les événemens. Ce recueil fut publié ; il était connu dans l’antiquité sous le titre d’Éphémérides royales. Des détails peu importans s’y trouvaient, comme le reste ; ainsi nous apprenons dans ces Ephémérides qu’il arriva plus d’une fois au roi de Macédoine, après s’être enivré, de dormir deux jours et deux nuits de suite. Sa dernière maladie y a figuré, et des extraits concordans ont été conservés par Arrien et par Plutarque. Voici ce qu’ils disaient :

« Alexandre but chez Médius, où il joua, puis il se leva de table, prit un bain et dormit ; ensuite il fit le repas du soir chez Médius, et il but de nouveau très avant dans la mut. C’était le 17 du mois de daesius.

« Étant sorti de là (c’était le 18), il prit un bain ; après le bain, il mangea