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ardeur de servir ce que l’on appelle la grande idée, n’est que le déplorable instrument d’une politique mortelle pour le pays. Une modification a eu lieu récemment dans le cabinet. Le ministre des finances, M. Christidès, et celui de la guerre, M. Spiro Milios, n’ayant pu s’entendre, assure-t-on, sur la marche à suivre dans les élections prochaines, ont mis la royauté à l’aise en se retirant simultanément l’un et l’autre ; mais le résultat le plus clair de cette crise ministérielle a été de fortifier les Influences napistes au sein du cabinet, en écartant le seul nomme qui fût fermement décidé à opposer quelque résistance à ces périlleuses ambitions. Le ministre de la guerre, plus heureux que celui des finances, a su se faire remplacer à son gré et selon les vues de son parti : M. Spiro Milios a eu pour successeur ce même colonel Scorlato Soutzo, rappelé récemment de la frontière pour les dispositions peu pacifiques qui lui étaient attribuées.

Si l’on songe que des élections nouvelles se préparent en Grèce, et qu’elles vont être dirigées en ce sens, on ne peut nier que la situation n’ait de la gravité, et qu’elle ne mérite la plus sérieuse attention. Nous nous sentons portés à envisager l’état des esprits en Grèce avec indulgence, car on doit tenir compte, nous le comprenons, des excitations auxquelles ils sont en butte depuis six mois ; mais il est bon de leur signaler des écueils contre lesquels ils risqueraient fort de se briser en persévérant dans la vola où ils s’engagent. Ceux-là seuls sont les vrais amis de la Grèce qui lui conseillent de s’abstenir de toute intervention dans le grand débat qui agite aujourd’hui l’Orient.

CH. DE MAZADE.



REVUE MUSICALE.

les jours se suivent, dit-on vulgairement, et ne se ressemblent pas, ce qui nous paraît être une vérité au moins contestable en ce qui regarde la vie de l’esprit, où, depuis quelques années, les jours se suivent et ne se ressemblent que trop. En effet, il se produit depuis quelque temps dans l’empire de la fantaisie une sorte de réaction contre la spontanéité et la trop grande effervescence de l’imagination. Faut-il croire avec quelques esprits moroses et un peu pessimistes que tout est dit pour la fantaisie, et que la poésie a parcouru le cercle de ses incantations divines ; qu’il ne peut plus y avoir dans les arts et dans la littérature que des combinaisons plus ou moins ingénieuses de formes et de sentimens connus, et que l’humanité ou du moins la civilisation européenne est entrée dans une phase nouvelle, dans l’âge de la maturité et des réflexions, où la faculté créatrice n’occupe plus que le second rang. Ou bien est-il plus juste de penser avec d’autres que l’homme est toujours le même, que son cœur est une source permanente et inépuisable d’inspirations, que les générations seules vieillissent et meurent, mais que l’humanité est éternelle, ainsi que l’amour et la poésie, qui passent de main en main avec le flambeau de la vie ?

A former les esprits comme à former les corps,
La nature en tout temps fait les mêmes efforts ;