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entre le tsar et le sultan ; deux grandes puissances occidentales sont aussi un peu de la partie : il n’importe à M. Soulzo. La France, l’Angleterre et la Turquie ne comptent point. Le tsar lui-même, l’archange Michel, avec ses canons et ses fusils orthodoxes, s’efface au dénoûment, pour laisser apparaître Byzance rétablie dans toute sa gloire au profit des Hellènes !

Ces visions débitées d’un ton de prophétie dans une phraséologie mystique propre, à frapper l’esprit des masses devaient appeler l’attention du gouvernement hellénique. Il ne pouvait voir avec indifférence de semblables publications sans paraître les encourager, et il a compris, hâtons-nous de le dire, qu’un désaveu était devenu nécessaire. Son organe avoué, la Semaine, a donc répondu à ces folles excitations. « Nous honorons sincèrement M. Soutzo, dit le journal du gouvernement grec. Comme poète, il a enrichi notre nouvelle littérature, nous reconnaissons même que ses articles ont une certaine valeur poétique ; mais qu’il nous soit permis de le considérer comme émettant « les idées contraires aux vrais intérêts de la nation et aux principes de neutralité, ainsi qu’aux rapports amicaux que le gouvernement hellénique a maintenus et maintient toujours avec une puissance voisine et alliée. » A parler franchement, l’organe du ministère grec aurait pu, sans crainte de sortir des justes limites du vrai, s’exprimer en termes plus formels sur les déclamations imprudentes de M. Soutzo. Nous nous abstiendrions cependant de blâmer la modération que la Semaine a mise dans ce désaveu, si la même mollesse de pensée ne se laissait deviner dans la conduite du gouvernement hellénique, et si des symptômes fâcheux ne semblaient annoncer de sa part l’intention d’accorder plus que de raison aux passions d’un parti enivré aujourd’hui d’illusions funestes.

Il n’était pas à présumer que les napistes, si naturellement disposés dans les temps ordinaires à prêter l’oreille à tout vent du nord, resteraient indifférens et inactifs en présence des orages qui s’amoncelaient de ce côté de l’horizon. L’on se rappelle d’ailleurs que les encouragemens ne leur ont point manqué : on se souvient que, lors de l’arrivée du prince Menchikof à Constantinople, une nuée d’envoyés extraordinaires s’abattit sur tous les points importans de l’empire ottoman, et que la Grèce ne fut point oubliée. Quel était l’objet de ces missions ? Il était facile de le pressentir d’après le but de celle du prince Menchikof lui-même. Les napistes ne s’y trompèrent point, et depuis lors ils ont pris une altitude et tenu un langage qui laissent assez voir les espérances dont on les a flattés. Leur activité remuante s’est toutefois ressentie des fluctuations des événemens. Le premier enivrement a été suivi d’un retour à des sentimens plus calmes. Après avoir fait des concessions importantes à ce parti au moment où l’Europe orientale croyait au triomphe de la diplomatie russe, le gouvernement grec a paru les regretter lorsqu’on a pu croire que la question se résoudrait autrement. Si, dans le premier cas, l’on avait nommé au commandement des troupes de la frontière un colonel dévoué aux intérêts des napistes, M. Scarlato Soutzo, dans le second l’on a confié cette mission délicate à un homme animé d’intentions plus modérées, le général Grivas.

Voici cependant que le gouvernement grec semble incliner de nouveau et d’une manière plus décidée vers le dangereux parti qui, dans son impatiente