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en glissant sans cesse à travers les principes les plus opposés, Frédéric ne prit qu’une seule chose au sérieux, l’ambition qui le poussait à vouloir dominer la chrétienté.

Dans la première moitié de son règne, c’est-à-dire jusqu’en 1235, ce prince audacieux et remuant resta l’allié de la France, et ce fut même en grande partie à Philippe-Auguste qu’il dut son élévation au trône d’Allemagne ; aussi conclut-il plusieurs traités avec le vainqueur de Bouvines, avec Louis VIII et Louis IX. Durant cette période, il repoussa même les avances de l’Angleterre, qui déjà cherchait pour son commerce des débouchés en Allemagne ; mais plus tard, il suivit une marche toute différente. Excité par le pape, il épousa une princesse anglaise, et sans tirer grand avantage de cette union, il prit vis-à-vis de la France une attitude sinon hostile, du moins peu bienveillante. On ne renouvela plus les anciens traités, et il perdit complètement les avantages de son alliance traditionnelle avec nos rois. Cette politique nouvelle ne fut pas sans influence sur la chute de sa maison, et par suite sur la destruction de l’unité fédérative de l’Allemagne.

On le voit par ce que nous venons de dire : il est peu de princes dans l’Europe occidentale du moyen âge qui aient joué un rôle plus important et plus original. Frédéric passa sa vie à intriguer, à négocier, à combattre, à voyager, et comme son règne ne marque pas une date décisive dans l’histoire générale du moyen âge et dans l’histoire particulière de la papauté, de l’Allemagne et de l’Italie, il a été par cela même l’objet de nombreuses études. Déjà nous avons eu occasion dans la Revue de nous occuper de Frédéric II, à l’occasion de l’excellent livre de M. de Cherrier : Histoire de la Lutte des papes et des empereurs de au maison de Souabe. Une récente et très importante publication nous ramène aujourd’hui vers cet intéressant sujet, et elle offre une preuve nouvelle que l’érudition française, dont les recherches sur notre histoire nationale ont été si actives dans ces dernières années, ne s’enferme point dans les limites de nos frontières, mais qu’elle tend de plus en plus à élargir le cercle de ses études. Cette publication entreprise par M. Huillard-Bréholles, sous les auspices et avec le concours de M. le duc de Luynes, n’est rien moins que le Recueil des Notes diplomatiques de l’empereur Frédéric II et de ses fils, auxquelles viennent s’ajouter un grand nombre des lettres des papes et des principaux personnages du même temps. Cet ouvrage qui ne comprendra pas moins de six volumes formant dix tomes in-4o, mérite à plus d’un titre de fixer l’attention du monde savant.

Par l’appui qu’il prête aux études historiques, et par des œuvres généreuses dont la publicité doit respecter l’honorable secret, M. de Luynes a montré quels services on peut rendre au pays par le noble emploi d’une grande fortune. Il ne s’est point borné aux encouragemens ; il a payé de sa propre science, et il a pris un rang très-distingué entre nos archéologues et nos érudits. Parmi les publications dues à ses encouragemens et à sa science, nous citerons le bel ouvrage intitulé : Recherches sur les monumens et l’histoire des Normands et de la maison de Souabe. Les études auxquelles M. Huillard-Bréholles s’est livré à l’occasion de ce livre, en Italie et en Allemagne, pour joindre aux dessins un texte explicatif, avaient fait passer sous ses yeux une immense quantité de documens dont un grand nombre étaient