Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’antiquité : ce sont les Moldo-Valaques. Partout dans leurs légendes on remarque encore aujourd’hui les traces frappantes du paganisme romain.

C’est dans le paradis valaque que se sont réfugies de préférence les souvenirs païens du pays. Jupiter, Vénus et Mercure sont encore des noms familiers au paysan des principautés, et qu’il n’a pas cessé d’entourer d’un sentiment superstitieux. Ainsi, par exemple, à partir du Jeudi-Saint jusqu’à la Pentecôte, le jour de Jupiter, le joi, est fêté chaque semaine scrupuleusement. On invoque de bonne foi ce jour-là le dieu du tonnerre ; on le prie d’écarter la grêle, l’orage et la tempête. Quant au vendredi, il est célébré régulièrement et surtout par les femmes presque à l’égal du dimanche. On se gardera le vendredi de travailler avec des instrumens tranchans ou aigus, avec les ciseaux ou avec l’aiguille. Est-ce en mémoire de l’impérissable souvenir chrétien que ce jour rappelle ? Non, c’est en l’honneur du vinire, c’est-à-dire du jour de Vénus.

Quelquefois les traditions du paganisme se sont fondues d’une manière touchante avec les pratiques chrétiennes. C’est ce qu’atteste la fête que l’on appelle le Scimt, ou anniversaire du saint. Chaque foyer a son patron, son dieu lare, en l’honneur duquel on célèbre chaque année une poétique solennité. La famille entière y est invitée. Les amis, les voisins sont de la partie. Les aïeux morts y sont eux-mêmes en quelque sorte présens. Une place qui reste vide, et qui est marquée par un couvert devant lequel sont le vin, le sel et le pain symboliques, leur est réservée, et leur ombre est pour ainsi dire rendue visible à tous les yeux.

Les dieux du paganisme coudoyant à chaque moment les saints dans le paradis valaque, il était impossible que les hôtes chrétiens des demeures divines ne se vissent point à ce contact dépouillés de leur physionomie rude et sévère. Aussi a-t-on cherché les interprétations les plus légères aux choses même que l’on entoure du respect le plus profond. Il n’est aucune observance que les Moldo-Valaques pratiquent à l’égal de celle des quatre carêmes. Veut-on savoir l’origine de l’un de ces carêmes, celui de la Saint-Pierre ? L’apôtre aimait une jeune fille, pêcheuse de son état. Un jour qu’elle n’avait point trouvé de débit pour une pêche plus abondante que de coutume, elle rentre les larmes aux yeux, et pour consoler son amie, saint Pierre ordonne dès le lendemain un carême qui assure un marché certain à la jeune fille. La plupart de ces légendes toutes profanes se retrouvent en Autriche chez les Valaques du banal de Témesvar et de la Transylvanie ; mais leur séjour est principalement dans la petite Valachie et dans quelques parties des montagnes moldaves, encore aujourd’hui