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nous cherchons à montrer ici l’enchaînement reçurent de la religion elle-même une consécration nouvelle. On ne se contenta point de placer les animaux au même rang que l’homme, on les considéra comme des intermédiaires entre l’homme et les dieux, et l’on en fit des révélateurs et des oracles. Dans les expéditions aventureuses des héros ou les migrations des races primitives, ils sont souvent les conducteurs des années et des peuples. Une troupe de loups guide au sommet du Parnasse les hommes échappés au déluge de Deucalion, et ceux-ci donnent, par reconnaissance, à la ville qu’ils bâtissent au sommet de cette montagne le nom de Lycorie. Ce sont des loups qui sauvent l’Égypte de l’invasion des Ethiopiens. Le pivert et le bœuf servent de guides aux colonies étrusques. Enfin des animaux indiquent aux fondateurs des villes l’emplacement qu’ils doivent choisir, comme la louve de Romulus et la laie blanche qui marqua pour Enée la situation de la ville d’Albe. Les animaux sont les véritables prêtres du prophétisme antique, et presque toujours ils parlent plus clairement que les oracles. Xanthe, l’un des chevaux d’Achille, prédit à son maître qu’il mourra devant Troie ; un bœuf annonce au milieu du Forum les dangers prochains qui menacent la république romaine. Des fourmis déposent des grains de blé dans la bouche de Midas encore enfant, comme signe des richesses immenses qu’il doit acquérir un jour ; des abeilles se posent sur les lèvres de Platon, endormi dans son berceau, pour annoncer que ces lèvres divines distilleront le miel de la sagesse et de l’éloquence ; des serpens enlacent, à Salone, le jeune Roscius, et, dans toutes les grandes journées de Rome, des aigles, présages de la victoire, planent au-dessus des légions.

Les oiseaux, par leur éloignement de la terre, l’innocence de leur vie, la pureté de l’air qu’ils respirent, la faculté qu’ils ont de s’approcher du ciel, l’exquise délicatesse de leurs organes, sont initiés à des mystères que nos sens grossiers ne sauraient percevoir. Comme Mélampus ou les serpens, ils entendent ce qui se passe dans le conseil des dieux, et ils donnent leur nom à la science augurale, les mots augur et augurium dérivant, d’après Varron, d’avium garritus, le gazouillement des oiseaux, et d’après Festus, de leur contenance, ex avium gestu. Religion essentiellement cérémonielle, sans dogme et sans morale, le polythéisme, en consacrant toutes ces croyances, attribua aux animaux une initiation supérieure, et les fit les arbitres souverains de la destinée des empires. À Rome, les poulets sacrés ont plus d’influence sur les affaires que les consuls ou les empereurs. Pline le dit en termes formels : « Leurs repas sont des présages solennels ; ce sont eux qui règlent chaque jour la conduite de nos magistrats, et leur ouvrent ou ferment leur propre maison. Ils donnent le