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est prête à mettre bas, elle va se plonger dans un étang ou dans une rivière, de peur que le dragon ne vienne dévorer sa progéniture. Pendant ce temps, l’éléphant fait le guet sur la rive, et quand le dragon se présente, il lui livre un combat désespéré. — Le renard, emblème de la finesse et de la ruse, invente une foule de procédés ingénieux pour attraper sa proie. Lorsqu’il a faim et qu’il ne trouve point à manger, il se roule sur de la terre rougeâtre, pour faire croire qu’il a reçu quelque grave blessure et qu’il est couvert de sang ; puis il s’allonge sur le sol, tire la langue, retient son haleine, et d’un coup de patte il étourdit les oiseaux qui, le croyant mort, viennent s’abattre sur lui pour se venger en lui donnant des coups de bec. – Le porphyrion, lézard aimable et doux, s’attache à l’homme avec une tendresse incomparable. Il vit comme un ami sous son toit, s’associe aux infortunes conjugales des maris, et meurt de chagrin quand leurs femmes les trompent. — La belette connaît mieux que les plus habiles médecins les secrets merveilleux des simples, et non-seulement elle guérit ses semblables, mais elle les ressuscite, comme on le voit dans le Lai d’Éliduc. Un de ces petits animaux blessé mortellement, rend le dernier soupir à côté de sa femelle. Celle-ci court vers un bois voisin, y cueille une fleur rouge qu’elle rapporte entre ses dents, et, la plaçant dans la gueule du mort, le rend immédiatement à la vie[1]. En fait de qualités solides et de vertus sociales, le chien, le cheval ne le cèdent guère à l’homme. L’âne sauvage se distingue par ses connaissances astronomiques, comme le cheval par ses vertus guerrières. Chaque année, le 23 mars, il brait douze fois la nuit et douze fois le jour, pour annoncer que les jours sont égaux aux nuits. Le cerf renouvelle sa jeunesse en mangeant des serpens. Il sait découvrir avec un admirable instinct les fentes des arbres et des rochers où ils se cachent[2], et les tire à lui d’une telle force, avec son haleine, qu’ils se jettent entre ses dents et qu’il les dévore. Sa mort est infaillible, s’il reste trois heures sans boire après les avoir mangés ; mais s’il trouve une fontaine, il rajeunit en un moment de plusieurs années. C’est là ce qui explique la longévité du cerf bien-aimé d’Alexandre, qui fut pris cent ans après la mort de ce héros, et l’âge merveilleux de celui que Charles VI, roi de France, tua en chassant dans la forêt de Senlis, et qui portait au cou un collier d’or avec cette devise : Hoc César me donavit. Les souvenirs de l’antiquité tiennent encore une grande place dans ces récits merveilleux, mais ils se combinent avec des idées entièrement nouvelles ; chaque animal est distingué par un vice ou une vertu, et nous verrons plus loin

  1. Poésies de Marie de France, 1832, in 8°, t. II, p. 474.
  2. Origène, Homel. XVII, in Gen. c. 5.