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le plonger, les idées confuses qui se croisaient rapidement dans son esprit, la prévision des scènes émouvantes auxquelles il allait assister, tout cela jetait naturellement quelques retards dans ses arrangemens de toilette, qui se prolongèrent un peu au-delà du temps qu’il avait demandé. En descendant quatre à quatre pour réparer le temps perdu, il rencontra son camarade Powell, qui entama aussitôt le chapitre des félicitations. Comme il était à peu près le trentième à recommencer la même banale antienne, Grimaldi l’interrompit au début, et, sans autre dessein que de couper court à l’entretien, lui demanda s’il y avait longtemps qu’il n’avait vu John.

— Moi ? repartit Powell, je le quitte à l’instant même ; il vous attend sur la scène, et je ne vous retiens pas, car il se plaint de votre lenteur.

Grimaldi courut vers la scène : son frère n’y était point.

— Qui cherchez-vous donc ainsi ? lui demanda Bannister, le voyant regarder de tous côtés avec une sorte d’inquiétude.

— Mon frère, que j’avais laissé par ici.

— Je viens de lui parler il n’y a pas deux minutes, reprit Banister. En me quittant, il s’est dirigé de ce côté (montrant un couloir qui menait à la sortie des acteurs). J’imagine qu’il doit avoir quitté le théâtre.

Courant aussitôt dans la direction indiquée, Grimaldi s’informa du concierge s’il avait vu passer son frère. « Oui, répondit cet homme, et cela tout à l’heure. Il ne doit pas avoir tourné le coin de la rue. » Grimaldi de s’élancer ; mais il eut beau descendre et remonter la rue à plusieurs reprises, il n’aperçut pas celui qu’il cherchait. En se demandant avec anxiété où ses propres retards, irritant l’impatience de John, avaient pu acheminer ce dernier, Joe se rappela qu’un de leurs amis communs, M. Bowley, logeait précisément à quelques pas de Drury-Lane. Il était fort possible que John fût allé, par manière de passe-temps, y recevoir sa bienvenue. Grimaldi court à cette porte amie dont il ébranle violemment le marteau. M. Bowley vient ouvrir en personne ; sa physionomie exprime la surprise.

— Mon frère ?

— Eh bien ! je l’ai vu, votre frère !… J’en suis encore tout ébahi…

— Est-il chez vous ?

— Non, il me quitte à peine. Vous n’avez pas grand chemin à faire pour le rejoindre.

— De quel côté ?

— Par ici,… vers Duke-street.

— Bon, se dit Grimaldi, John est allé chez notre ancien propriétaire, M. Bailey. — Et il reprend sa course vers Great-Wild-street, où logeait ce dernier. Ici la maison est ensevelie dans le plus profond