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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1265

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il suffit de rappeler deux faits et deux dates. La déclaration de guerre était-elle nécessaire aux yeux des gouvernemens anglais et français pour légaliser l’entrée des flottes dans les Dardanelles ? Elle l’était si peu, que la guerre a été décidée par le grand conseil turc le 26 septembre, que cette nouvelle n’a été comme à Paris et à Londres que le 3 octobre[1], et que, dès le 23 septembre, les gouvernemens français et anglais avaient autorisé leurs ambassadeurs à mander les flottes à Constantinople. Lord Clarendon avait annoncé cette décision à M. de Brunnow ; celui-ci protesta au nom du traité de 1841, et lord Clarendon lui répondit le 1er octobre. (Il ignorait encore à cette date la déclaration de guerre.) « La Porte, disait-il dans sa lettre à M. de Brunnow, a cessé d’être en paix depuis que le premier soldat russe est entré dans les principautés danubiennes ; depuis ce moment, le sultan a eu le droit d’appeler les escadres dans les détroits, et les gouvernemens ont eu le droit de faire passer les détroits à leurs flottes[2]. » Les gouvernemens n’ont donc pas eu besoin que la Turquie déclarât la guerre pour aviser au mouvement en avant de leurs escadres ; ils n’avaient pas eu besoin de trouver pour ce motif des torts factices à la Russie. L’hypothèse du mémorandum qui assigne à une pareille cause la protestation des puissances maritimes contre l’interprétation de M. de Nesselrode et l’abandon de la note de Vienne n’est qu’un pur roman.

Ainsi a échoué avec la note de Vienne, et par la faute de la Russie, l’effort le plus sérieux qui ait été fait pour la paix par la conférence des quatre puissances sous la présidence de M. de Buol ; nous disons l’effort le plus sérieux, car alors la guerre n’avait pas commencé encore, le repos de l’Europe n’était point livré au hasard des accidens. La France et l’Angleterre n’étaient pas engagées directement contre la Russie. En ce moment-là, avec un peu de modération dans les conseils de la Russie, et la modération, nous l’avons prouvé, eût été une habileté souveraine, — la paix était sauvée.

La conférence de Vienne ne s’est point, il est vrai, laissé décourager ; elle a fait d’autres tentatives : elle a maintenu jusqu’au bout l’identité de vues des quatre grands gouvernemens sur la justice de la cause de la Turquie et sur les torts de la politique russe ; jusqu’au bout aussi, la politique russe a résisté au verdict de ce jury européen. Nous avons longuement raconté la première œuvre de la conférence de Vienne ; nous finirons en rapportant brièvement son dernier acte, accompli il y a peu de jours.

La presse a parlé des contre-propositions qui ont été récemment

  1. Dépêche télégraphique de lord Stratford à lord Clarendon du 26 septembre. Corresp., part II, no 123.
  2. Lord Clarendon le baron Brunnow. Corresp., part II, no 118.