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portées à Vienne par la Russie. Nos informations de Vienne nous permettent d’entrer à ce sujet dans des détails encore ignorés du public. Par la forme et par le fond, ces dernières propositions couronnent dignement les procédés auxquels la Russie nous a habitués depuis un an. Ces propositions furent communiquées à M. de Buol par M. de Meyendorf, sous le nom de « préliminaires de paix. » Dès le premier coup d’œil, M. de Buol les jugea inacceptables ; mais il annonça au ministre russe qu’il les soumettrait à la conférence. À ce mot de conférence, M. de Meyendorf s’écria que la conférence n’existait pas pour lui, et que sa communication s’adressait uniquement au gouvernement autrichien. Malgré cette dénégation hautaine du concert et de l’autorité des quatre puissances réunies dans la même tâche pacifique, M. de Buol apporta le lendemain à la conférence les « préliminaires de paix » de M. de Nesselrode.

À la lecture de ces propositions, les représentans des quatre puissances furent unanimés. Au lieu d’y atténuer ses exigences, la Russie les a exagérées dans cette communication ; au lieu d’une ouverture de conciliation, on dirait plutôt un ultimatum. D’après ces singuliers « préliminaires de paix, » la Russie ne se contenterait plus, de la part de la Turquie, d’une note ou même d’un sened ; elle voudrait un engagement par traité, elle regarderait comme non avenus les actes récens qui placent sous le patronage collectif des puissances les populations chrétiennes de l’empire ottoman ; elle continuerait à revendiquer exclusivement pour elle la protection des Grecs. Enfin elle ne consentirait à l’évacuation des principautés que lorsqu’elle aurait traité avec la Turquie et après que les escadres française et anglaise auraient non-seulement quitté la Mer-Noire, mais repassé les Dardanelles, La conférence de Vienne, dans sa séance du 7 mars l1854, a déclaré ces propositions inadmissibles ; elle a fait plus, elle a motivé son jugement sur une série de considérans péremptoires, et ce protocole du 7 mars, dernier acte de la conférence, a été signé par les représentans des quatre cours. Il n’y a plus maintenant pour chacune des puissances qui viennent de repousser les propositions dérisoires de la Russie qu’à conformer ses actes au jugement auquel elle s’est associée.

Ce devoir sera-t-il rempli par toutes les puissances qui ont apposé leur signature au protocole du 7 mars ? Nous en sommes convaincu pour l’Autriche ; nous ne pouvons malheureusement que l’espérer pour la Prusse. L’Autriche, nous n’en doutons point, joindra son action à la politique de la France et de l’Angleterre ; car l’Autriche, dans toute cette affaire, s’est conduite avec une courageuse droiture : elle a témoigné dans les négociations l’esprit de prévoyance et de fermeté d’un grand gouvernement ; elle en montrera la décision dans