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connu pour sa partialité en faveur de la Russie, il est difficile qu’on n’en vienne point à quelque extrémité.

Dans de telles circonstances, quelle peut être la politique des puissances occidentales ? Elle est toute tracée, et n’en est plus même à se manifester par des faits, puisqu’on annonce déjà que la France, et l’Angleterre ont obtenu du divan un acte, qui garantit une sorte d’émancipation politique et civile des chrétiens de l’empire ottoman. C’est là le but, et, n’eût-il point été atteint complètement encore, il sera poursuivi. En intervenant en Orient en effet, les puissances occidentales n’ont nullement considéré comme incompatibles l’intégrité de la Turquie et l’amélioration de l’état des populations chrétiennes. Bien au contraire, elles ont voulu asseoir l’indépendance, et la paix de l’Orient sur ces améliorations mêmes. Il en résulte pour l’Angleterre et la France un double devoir : celui d’intervenir sans cesse auprès du divan pour sauvegarder les droits de la civilisation chrétienne, et celui de ne prêter aucun secours matériel ou moral aux insurrections actuelles. Ces insurrections, elles contribueront bien plutôt à les réprimer. Les populations grecques elles-mêmes peuvent voir aujourd’hui que leur garantie la plus sûre et la plus efficace est celle qui leur est offerte par l’intervention des puissances occidentales. Si la Russie réussissait dans ses plans, échapperaient-elles à une vassalité onéreuse, en dépit de toutes leurs illusions sur la reconstitution de l’empire de Byzance ? Quoi qu’il en soit des complications qui peuvent se rattacher à ces insurrections des provinces grecques, et de l’incertitude qui peut subsister encore quant à l’action définitive de l’Autriche et de la Prusse, la question d’Orient n’en suit pas moins le cours que lui ont tracé l’Angleterre et la France : elle est passée dans le domaine de l’action.

Ce n’est pas tout d’ailleurs, on le sait, que de préparer des armes et d’équiper des vaisseaux ; dès que la fatalité des circonstances conduit les peuples dans cette voie terrible, il s’élève aussitôt une question tout intérieure qui n’est pas la moins grave : l’inévitable question des ressources financières. Il faut que tous les ressorts d’un pays se tendent à la fois et concourent au même objet. L’Angleterre vient de pourvoir à cette nécessité des jours extraordinaires en doublant la taxe sur le revenu pour six mois d’abord. L’income-tax est le grand levier de l’Angleterre dans les momens de crise ; c’est pour elle aujourd’hui un moyen de ne pas augmenter sa dette, déjà plus considérable que toutes les dettes réunies du monde, et de ne point toucher d’un autre côté à l’ensemble des réformes libérales opérées dans son régime économique depuis quelques années.

La France marche au même but, qui est de se procurer des ressources, par un emprunt réalisé dans des conditions de nature à en assurer le succès, liés les premiers jours de la session en effet, le corps législatif a été saisi d’un projet autorisant le gouvernement à contracter un emprunt de 250 millions. Ce projet a été voté presque spontanément, à l’unanimité, sur un rapport du président même du corps législatif. Il a été sanctionné par le sénat. Restait la réalisation pratique de cet emprunt, autorisé par une loi. Le gouvernement traiterait-il avec quelques capitalistes puissans, avec quelque société financière ? Il a écarté ces procédés habituels et tous les intermédiaires pour aller droit à la masse du pays, en donnant à l’emprunt actuel la forme