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monte plus haut, et l’intérieur de ces fermes, autrefois si pauvre, offre aujourd’hui un air frappant d’aisance.

À l’excellente constitution des baux est venue se joindre une autre cause de progrès qui n’existe pas non plus tout à fait au même degré en Angleterre, la meilleure organisation connue des moyens de crédit. Les Anglais font depuis longtemps usage du crédit, et l’ancienne existence des banques parmi eux est un des principaux élémens de leur puissance ; mais, précisément parce qu’elle est ancienne, l’organisation de ces banques est imparfaite à beaucoup d’égards, l’abondance des capitaux supplée jusqu’à un certain point à ce qui leur manque. Il y a d’ailleurs en Angleterre une ardeur de spéculation et de dépense qui pourrait rendre dangereuse une plus grande extension de cet instrument, si actif pour le mal comme pour le bien. En Écosse, le sang-froid, l’exactitude, la sobriété, le génie du calcul, sont des qualités si profondément nationales, que le système de crédit le plus large a pu s’établir sans inconvéniens et porter les fruits les plus magnifiques. Ce n’est pas pour rien que l’Écosse est la patrie d’Adam Smith ; tous les compatriotes de ce grand homme sont plus ou moins imprégnés de son esprit sagace et positif ; nulle part on ne sait mieux compter. Les banques écossaises existaient déjà du temps de Smith ; lui-même décrit avec soin leur mécanisme, et c’est à leur propos qu’il a fait cette comparaison si souvent répétée : « L’or et l’argent qui circulent dans un pays peuvent se comparer d’un grand chemin qui, tout en servant à faire arriver au marché les grains et les fourrages, ne produit cependant pas un grain de blé par lui-même, Les opérations d’une banque sage, en ouvrant en quelque sorte un chemin dans les airs, permettent au pays de convertir ses routes en pâturages et en terres à blé, et d’augmenter ainsi les produits de son territoire. »

voici quelle est en gros l’organisation des banques d’Écosse : il y en a 18 en tout, dont 7 au capital de 1 million sterling et au-delà, qui ont leur chef-lieu dans les villes principales, et qui couvrent tout le pays de leurs comptoirs ou branches ; il n’y a pas de canton, si petit et si reculé qu’il soit, qui n’ait au moins une branche ; on en compte plus de 400, réparties sur toute la surface de l’Écosse, ou une par six mille âmes de population ; il en faudrait 6,000 en France pour en avoir autant en proportion. Ces banques émettent toutes du papier de circulation, payables en espèces et à vue, et ce papier est reçu avec une telle confiance, que tout le monde préfère les billets de banque à la monnaie métallique, même pour les plus petits paiemens. La monnaie proprement dite a été presque complètement exclue de la circulation ; on ne suppose pas qu’il y ait dans toute l’Écosse plus de 10 à 12 millions de francs de numéraire. Si avancée qu’elle soit, l’Angleterre n’en est pas encore là, ni pour le nombre des banques,