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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/229

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ne pas le laisser dans un pays où les mécontens pourraient un jour le prendre pour chef. Dans son trajet de Valladolid à Saragosse, il l’éloigna sans bruit de l’Espagne et l’envoya en Flandre. Fort soucieux des dispositions des Castillans, encore incertain sur l’obéissance des Aragonais, par lesquels il allait se faire reconnaître comme roi, ils se trouvait de plus tellement pauvre, qu’il fut réduit, peu de temps après, à emprunter 70,000 ducats du duc de Verajas, du duc d’Arcos et du comte de Benavente pour l’entretien de sa maison[1]. Il en était là quand lui parvint le message de son grand-père Maximilien.

Malgré la pénurie de ses finances, Charles se procura 100,000 ducats, qu’il fit porter à l’empereur par son chambellan Jean de Courteville. Il obtint en outre de trois banquiers de Gênes et d’Augsbourg qu’ils en mettraient à sa disposition 200,000 autres au mois d’avril 1519 ; mais il n’offrit que des pensions de 4,000 florins aux électeurs, et il défendit à Courteville de rien débourser sans être certain que l’empire lui serait accordé. Maximilien, mécontent de cette parcimonie et de ces précautions, également contraires au succès d’un dessein qui exigeait beaucoup de libéralité et de confiance, écrivit à son petit-fils pour lui en exprimer sa surprise. Il lui dit que les pensions offertes étaient trop petites, que la somme envoyée était insuffisante, et que d’ailleurs il fallait pouvoir s’en servir tout de suite, parce que sans cela les princes allemands croiraient plus à l’argent comptant des Français qu’à ses bonnes paroles. Il insista fortement sur la nécessité de dépenser sans hésitation et d’agir sans retard. « pour gagner les gens, ajouta-t-il, il faut mettre beaucoup en aventure. Veuillez donc bien penser à notre conseil et le suivre, autrement il n’y a pas d’apparence de conduire notre affaire au désir et à l’honneur de nous deux. Il nous déplairoit fort d’avoir eu tant de peine et labeur pour faire grande et exalter notre maison et toute notre postérité, et de voir tout mis au hasard par une faute ou une négligence[2]. » Il convoqua en même temps les électeurs à Augsbourg pour le mois d’août.


III.

La diète se réunit à l’époque fixée. Elle avait deux grands objets : l’un public, la défense de la chrétienté contre l’invasion imminente des Turcs; l’autre secret, la succession à l’empire d’Allemagne. Le

  1. Dépêche de La Roche-Beaucourt, de Saragosse, 1518. Mss. Béthune, no 8486, fo 56 et suiv.
  2. Lettres de Maximilien au roi Charles, du 18 et du 24 mai 1518 (archives de Lille), imprimées, la première, dans les Négociations diplomatiques, t. II, p. 125, la seconde, dans Anzeiger für Kunde der Teutschen Vorzeit, par F.-J. Mone, Karlsruhe, 1836, in-4o, p. 14.