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héritage de la Bohème et de la Hongrie. Enfin la transmission de la couronne impériale à Charles, son autre petit-fils, préparée de son vivant, fut assez avancée pour avoir des chances de réussir après sa mort.


V.

Cette mort remettait cependant tout en question. Dès que François Ier en fut informé par la voie de la banque des Fugger[1], il ne perdit pas un instant pour renouer fortement sa trame brisée. Il fit partir pour les cours de tous les électeurs des hommes habiles pris dans la noblesse et dans la judicature, et il couvrit l’Allemagne de ses agens. Il envoya même le maître des requêtes Langhac et le bailli des Montagnes de Bourgogne, Antoine Lamet, seigneur du Plessis, au fond de la Pologne. Ces derniers devaient se rendre, déguisés en pèlerins ou en marchands, auprès du roi Sigismond, tuteur de l’électeur de Bohême, et traiter secrètement avec lui de l’élévation de leur maître à l’empire dans l’intérêt même de la Pologne et de la Hongrie, menacées d’une invasion prochaine[2]. Comme il importait à François Ier de ramener à lui son ancien pensionnaire Sickingen, qui pouvait également le seconder ou le desservir, il chargea le capitaine Brander[3] d’aller lui offrir, avec le retour de son amitié, les avantages les plus considérables. Il dépêcha le bâtard de Savoie en Suisse pour se rendre les cantons favorables en cette importante occasion. Il fit en même temps supplier le pape Léon X de lui accorder l’appui de toute son influence en Allemagne, et prier le roi d’Angleterre, Henri VIII, de s’y déclarer pour sa candidature. L’ambassadeur de ce prince, Thomas Boleyn, lui ayant demandé s’il irait faire la guerre en personne aux infidèles dans le cas où il serait élu, il le saisit vivement par la main, et, posant l’autre sur son cœur, il lui dit : « Trois ans après l’élection, je jure que je serai à Constantinople ou que je serai mort. » Quelques instans après, il ajouta : «Je dépenserai trois millions pour être élu empereur[4]. »

Indépendamment des agens particuliers qui furent attachés à chaque électeur, François Ier, nomma des ambassadeurs chargés de la conduite générale de l’entreprise. Postés en Allemagne, ceux-ci

  1. Histoire inédite écrite du temps du chancelier Du Prat. Mss. Colbert, n° 8437 et Mss. Dupuy, vol. 745.
  2. Minute originale des instructions données à Langhac et à Lamet, carton J. 952, pièce 9.
  3. Instruction pour le capitaine Brander, envoyé par le roy devers Franciscus de Sieckemgen. Carton J. 953, pièce 62.
  4. Lettre de Thomas Boleyn au cardinal Wolsey, du 28 février. Dans Ellis, Original Letters, vol. Ier, p. 147.