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Suisses sur lesquels il comptait pour se défendre. Les cantons les avaient subitement et impérieusement rappelés dans les premiers jours d’avril, à l’ouverture même de la campagne. Ce rappel était l’œuvre de Maximilien de Berghes, dont l’habileté n’avait pas procuré ce seul avantage à son maître auprès de la confédération helvétique, qui se considérait toujours comme partie intégrante de l’empire germanique, bien qu’à la paix de Bâle de 1499 elle se fût affranchie de l’obéissance à ses décrets, de la soumission à sa justice, de la contribution à ses impôts, après avoir remporté sept victoires sur son chef et ses armées. Maximilien de Berghes était arrivé le 15 mars à Zurich. Une diète y avait été assemblée par les soins du cardinal de Sion. Cet ancien et opiniâtre ennemi de la France avait parfaitement disposé l’esprit de ses compatriotes pour la mission de Maximilien de Berghes. Les Suisses disaient déjà tout haut qu’ils ne souffriraient point qu’on élût un autre empereur qu’un prince de race allemande. Leurs députés allèrent en grand nombre à la rencontre de Maximilien de Berghes, qu’ils accueillirent cordialement. Ils écoutèrent avec faveur ses propositions, et, pour lui prouver encore mieux leurs bons sentimens, ils s’invitèrent sans façon chez lui, où ils remplissaient chaque jour trois ou quatre grandes tables. Comme, à l’exemple des Allemands, ils ne faisaient rien pour rien, ils mirent leur amitié et leurs concessions à prix, et ils voulurent avant tout qu’on payât les arrérages de leurs anciennes pensions et qu’on leur en accordât de nouvelles. Tout ne souriait pas à Maximilien de Berghes dans cette négociation. Accablé de leurs demandes, les ayant du matin au soir en sa présence ou à sa table, obligé d’entendre leurs plaintes, de supporter leurs arrogantes familiarités, de subir leurs exigences multipliées, de traiter sans cesse l’argent et le verre à la main, il écrivait à Augsbourg avec une sorte de désespoir, qu’il avait soin de cacher à Zurich sous la sérénité d’une imperturbable patience : a Si j’eusse su que l’on eût mené ici une pareille vie, j’eusse mieux aimé porter des pierres que d’y être venu[1]. »

Il réussit toutefois dans ses desseins. Le roi catholique l’avait autorisé à dépenser la somme de 20,000 florins d’or en pensions qui devaient être distribuées au taux de 1,500 par canton, outre les 200 anciennement stipulés pour la ligue héréditaire avec la maison d’Autriche. Maximilien de Berghes dépassa un peu son crédit, et porta à 26,000 florins d’or la somme totale des pensions. Il paya en même temps les arrérages des principaux meneurs des cantons et promit de satisfaire les autres. Il obtint par là tout ce qu’il désirait, et le

  1. Lettre de Maximilien de Berghes, de Zurich, le 22 mars 1519. — Le Glay, Négociations, etc., t. II, p. 364 à 373.