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s’était teinte jusque-là de sang chrétien, l’électeur ajoutait que ces raisons et ces espérances le décidaient à promouvoir le roi de France à l’empire vacant. « Y ayant mûrement réfléchi, disait-il, nous avons fidèlement promis et nous promettons en parole de prince, sur notre foi et par ces présentes, que nous élirons le roi très chrétien roi des Romains et ensuite empereur, et que nous lui donnerons notre voix, pourvu cependant que deux de nos coélecteurs, votant avant nous, l’élisent et lui donnent la leur[1]. »

On en était là lorsque le comte de Nassau et Gérard de Pleine arrivèrent à Berlin de la part du roi Charles. Le margrave les reçut froidement, et leur fit des propositions dérisoires. Il offrit de donner sa voix au roi catholique, si ce prince en avait quatre avant la sienne, et il exigeait pour ce suffrage inutile qu’on augmentât la dot de l’infante Catherine de 100,000 florins d’or, sa pension de 4,000, son don gratuit de 30,000, et qu’on transportât de l’électeur de Saxe à lui le vicariat de l’empire dans le nord de l’Allemagne. C’était un vrai refus de négocier. Voulant toutefois se ménager quelque avantage si le roi catholique l’emportait sur le roi de France, après avoir résisté à tous les efforts des ambassadeurs autrichiens, il finit par leur dire qu’il se contentait des conditions stipulées à Augsbourg[2].

Le comte palatin avait été moins scrupuleux dans son avidité. Depuis La mort de Maximilien, il n’avait cessé de traiter avec les deux partis[3]. Il avait tour à tour accueilli d’un côté le chambellan Lamothe au Groing, le président Guillart, le bailli de Caen, le maître des requêtes Cordier, de l’autre Armerstorff, le comte de Nassau et le seigneur de La Roche. Pendant qu’il entretenait de ses bonnes dispositions les ambassadeurs de François Ier, son chancelier concluait le 4 avril un traité avec les ambassadeurs du roi Charles. Ceux-ci lui avaient assuré 10,000 florins de don gratuit de plus, avaient porté sa pension de 6 à 8,000, et devaient appuyer auprès de leur maître ses prétentions à l’avouerie d’Haguenau, dont la perte lui valait une compensation de 80,000 florins. De plus, pour indemniser les marchands qui avaient été pillés en traversant le pays du comte palatin, ils avaient remis 9,000 florins à la ligue de Souabe, afin qu’elle n’en poursuivît pas contre lui le recouvrement à main armée[4].

Ce traité fut bientôt suivi d’un autre dans un sens tout contraire.

  1. L’original en latin, sur parchemin, signé de la main de l’électeur et muni de son scel en cire rouge. Archives, carton J. 932, olim 892, pièce 13.
  2. Lettre du comte de Nassau au roi Charles, — faussement datée du 8 avril et qui doit être du 8 mai. Archives de Lille. Cette lettre est très curieuse et inédite.
  3. « Il fait comme Pilate, et pour ce est besoin le tenir de prez et non dormir, » écrivait Armerstorff le 14 mars au roi Charles. — Le Glay, Négociat., etc., vol. II, p. 340.
  4. Lettre du 4 avril de Henri de Nassau et de Gérard de Pleine au roi catholique. — Le Glay, Négociations, etc., vol. II, p. 403 à 406.