Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ble. Le bras part donc avec une très grande vitesse, et cette vitesse est d’autant plus grande qu’on la prend plus près du mouvement d’impulsion, d’où il suit que si on considère les premières impulsions d’un tremblement nerveux des organes, il n’y a guère de limite à la vitesse que l’on peut attribuer à ces premiers mouvemens organiques, sensibles ou non sensibles à celui qui les opère.

Mille exemples peuvent éclaircir encore ces données de la mécanique des organes. D’abord l’art des prestidigitateurs, vulgairement appelés escamoteurs et désignés si bien en anglais par le mot legerdemain, emprunté au vieux français, consiste à tromper l’œil du spectateur par des mouvemens si rapides, qu’ils ne peuvent être aperçus. Or tous ces mouvemens sont d’une très petite étendue : les gobelets où se font tant d’échanges merveilleux se touchent presque, et un mouvement lent d’une main dissimule la tromperie rapide de l’autre.

Dans l’art de l’escrime, tout le monde sait que ce sont les petits mouvemens qui sont les plus redoutables, et que tout tireur qui sait rester couvert, en ne faisant faire à la main qui tient l’arme que de très petites excursions, a un avantage immense. Dans ce qu’on appelle le fort et le faible de l’arme, ce n’est pas seulement la distance à la garde qui est influente, il faut encore mettre en ligne de compte si l’arme est à son point de départ, ou si elle a déjà opéré une partie du chemin qu’elle doit parcourir. Près du point de départ, son action est presque irrésistible.

Il en est de même de la course à pied : pour être rapide, elle doit se faire par des pas très petits et très serrés. — Mais, dira-t-on, si le pas, au lieu d’être de 60 à 80 centimètres, n’est que de 30 centimètres, comment la vitesse serat-elle plus grande ? Elle le sera, parce qu’au lieu de faire un grand pas, on en fera quatre ou cinq petits qui feront un total bien plus avantageux. Sous ce point de vue, les deux jolies statues antiques d’Hippomène et d’Atalante, qu’on peut voir aux Tuileries, courent plutôt élégamment que rapidement. Leur pose indique des bonds très allongés et par suite peu rapides. La fille sauvage de France, dont on s’est fort occupé dans le siècle dernier, courait avec une grande vitesse et à très petits pas. Si l’on joint à la petitesse des pas une pose fortement penchée qui permette aux membres inférieurs de faire ressort en avant pour pousser le corps, on aura les conditions les plus avantageuses de célérité, sinon d’élégance de la course. Là-dessus on peut comparer les danses espagnoles, où le danseur danse vivement sur lui-même, et les danses comparativement peu animées de l’opéra français. Pour dernier exemple, le fameux cheval anglais l’Éclipsé, resté jusqu’ici sans rival, lequel parcourait par minute un mille anglais (1610 mètres), galopait sans grâce, la tête basse et amenée presque entre les jambes de devant, le corps très penché, et par des sauts peu allongés, mais excessivement rapides, tellement qu’il faisait à l’heure vingt-cinq lieues de quatre kilomètres chacune : c’est plus que la moitié de la vitesse d’un ouragan.

On observe dans les cliniques médicales un grand nombre de faits analogues. Un malade, saisi d’un tremblement nerveux, se brisait le poing contre le bois de son lit, quand la crise le surprenait ayant le bras en contact avec cet obstacle ; une vieille dame s’enfonçait, en un cas pareil, le bout des doigts