Lorsqu’en voyageant dans la presqu’île armoricaine, on dépasse la région, plus rapprochée du continent, où se prolonge la physionomie gaie, mais commune, de la Normandie et du Maine, et qu’on entre dans la véritable Bretagne, dans celle qui mérite ce nom par la langue et la race, le plus brusque changement se fait sentir tout à coup. Un vent froid, plein de vague et de tristesse, s’élève et transporte l’âme vers d’autres pensées ; le sommet des arbres se dépouille et se tord ; la bruyère étend au loin sa teinte uniforme ; le granit perce à chaque pas un sol trop maigre pour le revêtir ; une mer presque toujours sombre forme à l’horizon un cercle d’éternels gémissemens. Même contraste dans les hommes : à la vulgarité normande, à une population grasse et plantureuse, contente de vivre, pleine de ses intérêts, égoïste comme tous ceux dont l’habitude est de jouir, succède une race timide, réservée, vivant toute au dedans, pesante en apparence, mais sentant profondément et portant dans ses instincts religieux une adorable délicatesse. Le même contraste frappe, dit-on, quand on passe de l’Angleterre au pays de Galles, de la basse Écosse, anglaise de langage et de mœurs, au pays des Gaëls du nord, et aussi,