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quelques petites planches gravées pour la librairie. On y remarque déjà un goût d’exécution sobre et une science de la forme plus sûre, un sentiment plus fin que dans les œuvres du même genre publiées au commencement de la restauration; toutefois, en dehors de ce mérite relatif et de la curiosité qui s’attache aux débuts d’un artiste éminent, elles ne sauraient avoir aujourd’hui qu’une importance médiocre et un intérêt assez limité. La première planche, à vrai dire, de M. Henriquel-Dupont, celle qui ouvre dignement la série de ses travaux et où toutes les qualités de sa manière s’annoncent clairement, est le Portrait d’une Dame d’après la toile de Van-Dyck que possède le musée du Louvre.

Tout le monde connaît ce beau tableau. Quelque insuffisant que paraisse le titre sous lequel il est d’usage de le désigner, on sait que le Portrait d’une Dame représente deux figures : celle d’une femme assise, entièrement vêtue de noir, et celle d’un enfant debout à ses côtés. Pour traduire l’œuvre de Van-Dyck, le graveur avait à se décider entre deux partis : ou il devait adopter pour les masses sombres une gamme de tons très forte et éclairer d’autant plus vivement les chairs, que la couleur des vêtemens, obscure dans l’original, aurait été plus résolument absorbée, ou bien il devait atténuer par des dégradations de coloris et l’emploi des demi-tons le rapport des ombres aux lumières, trouver, par exemple, un mode de transition entre le ton intense des étoffes et le ton clair des linges, des visages, des mains. Il fallait, en un mot, exagérer au profit des parties lumineuses la vigueur des autres parties, ou interpréter le tout en sens contraire et donner à l’ensemble un aspect calme par l’expression adoucie des détails. De ces deux systèmes de traduction, M. Henriquel-Dupont choisit le second. Son Portrait d’après Yan-Dyck reproduit fidèlement le dessin et le style du modèle; l’effet seul est quelque peu modifié en vue de l’unité, mais ces modifications ne vont pas jusqu’à altérer le caractère essentiel de l’œuvre flamande. Transportée sur le cuivre, celle-ci n’en demeure pas moins une œuvre de coloriste; elle ne change pas de signification tout en se transformant à quelques égards; elle est ingénieusement commentée, mais non dénaturée par le graveur. Ajoutons que rien, dans le travail matériel, ne se ressent du goût, alors presque général, pour cette habileté de mauvais aloi qu’on qualifiait de pratique savante. M. Henriquel-Dupont renouait ainsi, dès son premier ouvrage, la belle tradition française, et, par la sobriété du faire aussi bien que par la pureté du sentiment, il se montrait déjà le digne descendant des savans fondateurs de notre école.

M. Henriquel-Dupont avait trouvé sa voie : il semble qu’il ne lui restât plus qu’à y marcher résolument et à poursuivre sans