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Godeau, évêque de Vence, un des beaux-esprits de l’hôtel de Rambouillet et de la société de Mlle de Scudéry, ayant un peu changé de style avec l’âge, et adressant alors des lettres mystiques aux objets vieillissans de ses anciens hommages ; l’évêque de Laon, depuis l’habile cardinal d’Estrées, mêlé à toutes les grandes affaires de son temps, ambassadeur plein d’autorité auprès du saint siège ; le cardinal Rospigliosi, qui par son influence sur le pape Clément IX, son oncle, et grâce aux sollicitations de Mme de Sablé et de Mme de Longueville, contribua tant à donner à l’église de France la paix ou du moins la trêve célèbre de 1669. Voilà certes de quoi intéresser ceux qui voudraient étudier encore la plus grande querelle religieuse du XVIIe siècle. D’autres noms s’adressent à une curiosité plus profane et promettent un autre genre d’instruction. Une lettre[1] de l’aimable et empressé d’Hacqueville, l’ami de Mme de Sévigné, nous apprend que le cardinal de Retz connaissait aussi et appréciait fort Mme de Sablé. Une autre, du maréchal de Grammont[2], qui remonte à 1654, contient ce renseignement, que depuis la régence, c’est-à-dire depuis une dizaine d’années, il y avait eu neuf cent quarante gentilshommes tués en duel, et cela après toutes les rigueurs et les exécutions terribles de Richelieu. On connaît par les mémoires du temps ce gentilhomme gascon, spirituel et brave, qui se distingua à la fois dans les salons et sur les champs de bataille, et avant La Rochefoucauld fit une cour très pressante à Mme de Longueville, César Phoebus, comte de Miossens, depuis le maréchal d’Albret. Nous ne croyons pas qu’il y ait de lui une seule ligne imprimée ; on en trouvera ici plusieurs lettres fort agréables, qui pour la politesse et le bon ton peuvent le mettre à côté du maréchal de Clérembault, le héros du chevalier de Méré. Qui s’attendrait à rencontrer dans les papiers de Mme de Sablé des billets de ce marquis de Vardes que Mme de La Fayette a si bien fait connaître dans son Histoire d’Henriette d’Angleterre[3], traître à la fois envers celle sur laquelle il avait osé lever les yeux, envers son ami, l’aimable, chevaleresque et imprudent comte de Guiche, et envers son roi, dont il surprit un moment la confiance, mais qui le punit bientôt de toutes ses déloyautés ? Les portefeuilles de Valant en ont conservé quatre ou cinq billets assez

  1. Portefeuilles de Valant, t. V, p. 171 : « …M. le cardinal de Retz vint ici sur la fin, et j’appris de lui, madame, qu’il avait eu l’honneur de vous voir : vous aurez pu juger par la longueur de sa visite du goût qu’il y a trouvé. Il l’a trop bon et trop délicat pour que j’aie pu être surpris du respect et de l’estime qu’il m’a témoignés pour vous, avec un extrême regret d’avoir eu si tard l’honneur de vous voir. »
  2. Tome II, p. 273.
  3. Désormais la seule édition qui se puisse lire de ce charmant ouvrage est celle qu’en a laissée M. Bazin, et qui a paru l’année dernière chez M. Techener.