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et contenir l’Europe une féodalité nouvelle, de telle sorte qu’il paraissait vouloir, par des combinaisons profondes, rattacher le présent au passé, lorsqu’on mettant à la loterie des batailles des duchés et des trônes, il n’était réellement préoccupé que du besoin d’entretenir l’esprit militaire dans la nation par l’espoir des récompenses magnifiques et des destinées éclatantes !

Ce fut après les grands triomphes d’Ulm et d’Austerlitz, dans le courant de 1806, que ces institutions nouvelles se produisirent dans toute leur hardiesse et dans tout leur éclat. Avant de les étudier en elles-mêmes, il faut achever le tableau des accroissemens extérieurs de l’empire, et nous allons les voir se succéder comme une série de théorèmes qui s’engendrent l’un par l’autre.

En 1805, Napoléon avait frappé l’Autriche dans sa puissance territoriale en la rejetant au-delà des Alpes Juliennes, dans ses ressources financières par d’énormes contributions, dans son influence par l’organisation nouvelle donnée à l’Allemagne sécularisée. Il l’avait assez sévèrement traitée pour la rendre à tout jamais irréconciliable, mais ne l’avait pas toutefois assez profondément atteinte pour lui ôter l’espérance et les moyens de se venger. Austerlitz portait Wagram dans ses flancs, et les humiliations de 1809 ne pouvaient manquer d’engendrer les défections de 1813.

La même politique appliquée à la Prusse allait amener des résultats plus graves encore. Incapable de supporter longtemps la situation que lui avait faite en Europe la frauduleuse acquisition du Hanovre, et croyant savoir que le triste prix de son honneur était secrètement promis par la France à l’Angleterre dans les négociations préliminaires ouvertes entre les deux états à l’avènement de M. Fox au ministère, le cabinet de Berlin avait pris les armes quelques mois après que l’Autriche les avait déposées. Par un bonheur constant de sa destinée, qui ne lui a manqué qu’en 1813, lorsqu’à la guerre des cabinets avait succédé la guerre des peuples, Napoléon eut à combattre la Prusse en 1806 durant la lassitude momentanée de la cour de Vienne, comme en 1809 il eut à livrer à l’Autriche un dernier assaut pendant que la Prusse se remettait de ses terribles coups.

La chute de la monarchie de Frédéric II fut plus rapide encore que ne l’avait été celle de l’empire de Marie-Thérèse, et le désastre subi par la première puissance militaire de l’Allemagne mit, pour un temps ce pays à la discrétion de nos baïonnettes. Après Iéna, Eylan et Friedland, lorsque la maison de Brandebourg ne possédait plus ni une province ni une armée, on pouvait sans doute se montrer exigeant avec elle. Quand la Prusse ne prolongeait que par le concours des Russes un semblant de résistance, ce n’était peut-être pas abuser