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nous suffira de rappeler celles qui ont eu le plus d’influence sur la législation actuelle. Dès l’année 966, Etherlred II, roi des Anglo-Saxons, interdit la vente des jeunes poissons. Malcolm II, en 1030, fixa la période de l’année où la pêche du saumon serait permise. Plusieurs autres rois d’Ecosse ont continué ces décrets. Sous Rohert Ier, les osiers des nasses durent être séparés au moins par deux pouces d’intervalle, de façon à laisser passage au fretin. En 1400, Rohert III poussa la rigueur jusqu’à punir de la peine capitale toute personne convaincue d’avoir pris un saumon en temps prohibé. Cette loi cruelle fut rapportée par Jacques Ier ; mais ce prince maintint l’interdiction pendant la même saison, et toute infraction à cette défense resta encore l’objet d’une répression très sévère. Les rois de France firent aussi de grands efforts pour assurer le libre développement de l’alevin. Une foule d’ordonnances furent rendues par eux pour déterminer la nature des filets dont l’usage serait permis et la longueur des poissons qu’on pourrait vendre sur les marchés. Enfin, en 1669, Colbert régla sur de nouvelles bases la législation côtière et fluviale. Il interdit de pécher en rivière durant la nuit et pendant le temps du frai, à peine pour la première fois de 20 livres d’amende et d’un mois de prison, du double de l’amende et de deux mois de prison pour la seconde, du carcan et du fouet pour la troisième. Il n’y eut d’exception que pour la pêche des saumons, aloses et lamproies. Colbert défendit également de mettre des nasses d’osier à bout des dideaux[1] pendant le temps du frai à peine de 20 livres d’amende, et, après avoir déterminé les engins prohibés, il ordonna que les pêcheurs rejetassent en rivière les truites, carpes, barbeaux, brèmes et meuniers qu’ils auraient pris ayant moins de six pouces entre l’œil et la queue, et les tanches, perches ou gardons qui en auraient moins de cinq, à peine de 100 livres d’amende.

La législation qui nous régit aujourd’hui s’est inspirée des dispositions précédentes ; malheureusement elle est restée en dehors des connaissances que lui offrait l’histoire naturelle, et n’atteint ainsi que très imparfaitement le but qu’elle se propose. Les règlemens relatifs à la pêche marine permettent par exemple de prendre tel poisson sur des côtes où on ne l’a jamais rencontré, et donnent pour la mesure des crustacés des indications contraires au plus simple bon sens. Le code de la pêche fluviale, qui nous intéresse principalement ici, n’est pas plus à l’abri de la critique. L’ordonnance du 15 novembre 1830, qui complète la loi du 15 avril 1829, laisse au préfet de chaque département le soin de déterminer, sur l’avis du conseil général et après avoir consulté les agens forestiers, les temps, saisons et heures pendant lesquels la pêche sera interdite dans les rivières et cours d’eau. Or combien de fois les préfets, peu versés dans les sciences naturelles ou mal conseillés par ceux qui sont chargés de les éclairer, n’ont-ils pas dû commettre des erreurs semblables à celle qui porta Colbert à interdire la pêche des truites depuis le 1er février jusqu’à la mi-mars, c’est-à-dire à une époque où presque toutes avaient déjà cessé de frayer ! La même ordonnance prohibe tels et tels filets et engins, ce qui signifie que tous les autres sont autorisés et permet de changer impunément la forme et le nom des premiers sans qu’ils soient pour cela moins redoutables et moins nuisibles. L’article 30 du code de la pêche

  1. Filets destinés a barrer les rivières.