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conçu de transporter et de faire vivre dans les eaux de la France les poissons les plus estimés des pays étrangers. Il a réussi à amener vivans, depuis la Sprée jusque dans les réservoirs de Marly, cinq espèces différentes représentées chacune par un certain nombre d’individus. Ce sont le sander (perça lucioperca de Linné), le wets ou silure (silurus glanis de Linné), l’alandt (cyprinus jeses de Bloch), la lotte allemande (gadus lotta de Bloch) et le pitzker (cobites fossilis de Linné). Cette expérience n’a été faite que sur une petite échelle, mais elle n’en est pas moins très importante, car elle prouve que, dans les circonstances ordinaires, la différence des eaux ne serait pas un obstacle absolu à l’acclimatation des espèces étrangères.

Le même savant a été chargé plus tard par le ministre de la marine d’inspecter les pêcheries de nos côtes. Le rapport où sont consignées les observations recueillies dans le cours de cette mission est resté inédit, et il est regrettable que. le savant ichthyologiste n’ait pas pu continuer et étendre des recherches auxquelles l’appelaient si naturellement ses études antérieures.

On doit remarquer avec quelle sage circonspection M. de Quatrefages, M. Milne-Edwards et M. Valenciennes ont présenté les avantages que l’économie rurale devait retirer de l’emploi des fécondations artificielles. Ils ont engagé les propriétaires à des tentatives qui semblaient devoir être avantageuses, mais sans leur promettre toujours des résultats certains. M. Coste a procédé avec moins de réserve. Plein d’une confiance sans bornes dans l’avenir de la pisciculture, il n’a laissé échapper aucune occasion d’exalter les services qu’elle devait rendre. Dans son premier rapport, à la fin de l’année 1850, il affirmait déjà « qu’il n’y a pas une seule branche d’industrie ou de culture qui, avec moins de chances de pertes, offre de plus faciles bénéfices à réaliser[1]. » Plus tard, c’est avec enthousiasme qu’il parle des moyens éprouvés depuis un siècle de pourvoir au repeuplement des eaux. Il annonce que dans le Rhône et ses affinons la production sera très prochainement indéfinie. Très certainement C’est dans une excellente intention, sans doute dans l’espoir d’entretenir les efforts des expérimentateurs, que M. Coste s’est fait ainsi garant des résultats à venir ; mais n’est-il pas à craindre plutôt qu’en appréciant trop haut quelques succès partiels, il ne compromette le succès général de l’entreprise ? En attendant, ces affirmations absolues semblent justifier jusqu’à un certain point quelques critiques dont le savant professeur a été l’objet, mais elles ne sauraient en rien diminuer la part qui lui revient dans les perfectionnemens récemment apportés a la méthode de Jacobi.

M. Coste a mis d’abord en pratique les moyens proposés par le baron de Rivière pour transporter la montée ou les jeunes anguilles et pour les élever dans des espaces restreints[2]. Après avoir fait venir cette montée de l’embouchure de l’Orne au Collège de France dans des paniers plats garnis d’herbes aquatiques, il lui a donné pour nourriture un hachis composé de la chair des animaux qui ne servent pas à l’alimentation, de celle des mollusques et des insectes terrestres. Les petites anguilles qui en arrivant avaient en moyenne

  1. Instructions pratiques sur la pisciculture, p. 34.
  2. Comples-rendus de l’Académie des Sciences, t. XXIX, p. 797, 1849, et t. XXX, p. 813,1850. — Instructions pratiques sur la pisciculture, p. 84.