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Ta faiblesse domptait seule la noble bête :
Sous la main d’un enfant elle courbait la tête.

La vierge qui pleurait sous d’odieux soupçons
S’écriait : « Chassez-moi des temples, des maisons !
Sous l’arbre où le ramier gémit est mon refuge,
La licorne sera mon juge :
Coupable, de son glaive elle ouvrira mon cœur ;
Pure, elle me suivra comme on suit une sœur. »

De la jeune Vali pareille fut l’histoire :
Vierge à la peau dorée, à la prunelle noire,
Ses cheveux reluisaient blondis par les safrans,
Couleur que l’Inde envie à la terre des Franks,..
Et sous ses lèvres de l’ivoire !


ii. – le roi et vali.


Or dans Madras vivait un roi plein de savoir, —
Le grand poète indou le peint avec délice, —
Un prince hospitalier, ami de la justice,
Ayant sur tous ses sens un absolu pouvoir.
Esprit dénué d’artifice,
Sa promesse toujours ce roi l’accomplissait ;
Les pauvres le nommaient père lorsqu’il passait ;
Aimé des ignorans, des lettrés et des prêtres,
Il soignait l’animal, il relevait la fleur ;
Ce sage avait mis son bonheur
Dans le bonheur de tous les êtres.

Au brahmane Asava le roi disait un jour :
« Dans la jeune Vali j’ai placé mon amour,
Et, si son cœur est pur, je la veux pour épouse. »
L’ermite souriant dit : « Pour l’âme jalouse,
Un défaut apparaît dans le plus pur cristal,
Il s’exhale un poison des parfums du santal.
Un roi juste est tombé dans ces craintes amères ;
Mais la licorne est forte et combat les chimères :
Son œil clair et serein voit le bien, voit le mal. »

Où la licorne fait son gîte,
Voilà comme Vali vers le soir fut conduite.