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iii. — l’épreuve de la licorne.


Sous un tertre dont le jasmin
D’une neige de fleurs la parfume et l’inonde,
Elle faisait briller des pierres de Golconde
À ses doigts effilés tout roses de carmin ;
Au-dessus de son front, dans les feuilles nouvelles,
Près d’un ramier chantait un bengali :
« Oh ! je t’aime, Vali ! Vali ! »
Pour lécher ses deux mains accouraient les gazelles,
Et le soleil couchant, le radieux soleil
La montrait toute d’or dans un réseau vermeil.

Le brahmane et le roi, couchés dans la verdure,
En silence attendaient la fin de l’aventure.

Sur les pics d’alentour, terrible, aigre, perçant,
Un long hennissement est sorti de la nue,
Et la licorne, s’élançant,
Tombe les pieds en l’air et sur sa corne aiguë.
Bientôt elle aperçoit Vali
Sous les rets d’or du crépuscule :
Le poil tout hérissé, d’abord elle recule,
Puis sous son corps tremblant ses jarrets ont faibli.
Pareille au lévrier qui voit trembler la verge,
Rampante elle s’approche, elle s’approche en rond ;
Enfin aux genoux de la vierge,
Amoureuse et soumise, elle pose son front.

Et le ramier, l’ami fidèle,
Le ramier, messager d’amour,
Sur la corne venant s’abattre à tire d’aile,
Roucoula !… Dans l’air bleu disparaissait le jour.


iv. — vali reine.


Entre le roi très sage et le pieux brahmane,
Comme Vali rentrait pure dans sa cabane,
Enlacé par une liane,
L’animal la suivait, l’animal merveilleux
Dont le cœur bien-aimant voit plus clair que nos yeux ;
11 la suivit jusqu’à la tombe,
Terrible à l’éléphant et doux à la colombe.