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Mais les jeux sont bien loin : aux grands devoirs soumis,
Ils partent, embrassant leurs pareils, leurs amis.

LES PÈRES ET LES MÈRES.


Pour la dernière fois, hélas ! je vous embrasse !
Dans les pays lointains songez à nous, de grâce !
Quand vous serez au ciel, mon fils, priez pour nous,
Vos parens désolés, qui vieillirons sans vous !

LES FRÈRES ET LES AMIS.


Que vous êtes heureux, que nous sommes à plaindre !
Vous, pour votre salut, vous n’avez rien à craindre ;
Nous restons sur la terre, et vous allez au ciel :
Du ciel versez sur nous une goutte de miel.

LES MISSIONNAIRES.


Quel cœur peut oublier ses amis, sa famille ?
Quand tout amour s’éteint, leur penser dure et brille :
Si la mort nous appelle, oui, nous en faisons vœu,
Notre sang descendra sur vous des mains de Dieu.

— Adieu donc, chers martyrs ! — Et les pères, les mères
Inondaient les partans de leurs larmes amères ;
Mais le calme rentra dans ce monde affligé :
L’évêque s’avançait suivi de son clergé.

L’EVEQUE.


Enfans, soldats du Christ, héros dignes d’envie,
Quel chemin glorieux vous prenez dans la vie ! –
Approchez, ô pasteurs, de ces saints envoyés,
Et faites comme moi, qui leur baise les pieds.

Et devant les pasteurs, les clercs et les vieux maîtres,
Le pontife baisa les pieds des jeunes prêtres ;
Puis, les yeux vers le ciel où montaient leurs pensers,
Tous fraternellement se tenaient embrassés…
Moi, poète, je sens défaillir ma parole !
Que la voile se gonfle et que le vaisseau vole !
À ce sublime adieu mon cœur s’est enivré :
Vers le sud, vers le nord, vaisseau, je te suivrai !