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chants du moyen âge, formera un livre curieux qui servira de thème aux leçons de l’habile professeur.

L’Orphéon a donné le 21 et le 28 de ce mois deux séances solennelles sous la direction de M. Gounod, et en présence d’un nombreux auditoire qui remplissait la vaste enceinte du cirque des Champs-Elysées. Cette belle institution, fondée il y a dente ans par le zèle et l’intelligence d’un homme de bien, Wilhem, qui a consacré sa vie à faciliter au peuple la connaissance d’un art admirable, est aujourd’hui en pleine prospérité. Il s’agit, on le sait, d’une méthode de solmisation simultanée applicable aux écoles primaires de la ville de Paris. Les élèves qui fréquentent ces écoles y apprennent séparément des morceaux choisis par l’autorité municipale, aidée d’un conseil de surveillance, et puis ils se réunissent et forment un chœur de douze à quinze cents exécutans sous le nom d’orphéonistes. Des enfans des deux sexes, des adultes et de pauvres ouvriers consacrent ainsi à l’étude de la musique les quelques instans de loisir dont ils peuvent disposer. C’est un spectacle touchant que de voir ces enfans et ces petites filles du peuple vêtus de leurs habits de fête, qui trahissent l’effort qu’on a dû faire pour se les procurer, chantant avec bonheur et s’initiant peu à peu au sentiment des belles choses, qui est le pain quotidien de l’âme. Aussi ne faudrait-il pas oublier, dans le choix des morceaux qu’on leur fait étudier, ce beau précepte de la morale antique :

Maxima debetur puero reverentia…

On doit aux enfans et aux pauvres le plus grand respect. — Et si nous faisons cette remarque, c’est que nous avons été attristé d’entendre chanter à ces enfans des morceaux d’un style misérable qui ne devraient jamais souffler l’oreille de l’innocence. Nous sommes bien convaincu que M. Gounod, qui est un homme de talent et de goût, partage notre avis, et que les morceaux auxquels nous faisons allusion lui auront été imposés par l’autorité administrative, qui n’est pas plus éclairée dans ces matières délicates que le clergé. L’exécution aux deux séances solennelles données par les orphéonistes a été satisfaisante. Nous y avons remarqué un beau chœur d’hommes, le Forgeron, de M. Halévy, une symphonie vocale, un grand chœur de M. Chelard, musicien de mérite, qui est aujourd’hui second maître de chapelle à la cour de Weimar, un chœur de M. Ambroise Thomas, la Vapeur, et surtout l’admirable morceau Alla Trinila beata du XVIe siècle, qui rappelle si fortement la douce religiosité de la musique de Palestrina. M. Gounod a dirigé l’exécution des onze cents orphéonistes avec énergie, et nous faisons des vœux pour que l’autorité municipale lui laisse une entière liberté dans le choix des morceaux qui doivent composer le répertoire de cette belle institution, car il pourrait arriver que l’opinion publique, mieux éclairée, s’écriât un jour à propos de cette simple jeunesse :

… J’aime à voir comme vous l’instruisez !

Le 26 mai dernier a eu lieu à l’église Saint-Eustache l’inauguration du grand orgue, qui sort des ateliers de M. Ducroquet, où il a été construit par un ouvrier de génie, M. Barker, qui n’en est point à son premier chef-d’œuvre.