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que dit-on tout bas au congrès ? finit-il par ajouter avec un sourire malicieux. — Tout bas, sire, reprit l’interlocuteur, on dit : Vive Charles-Albert, roi d’Italie ! » La figure du roi s’épanouit singulièrement, puis se rembrunit tout à coup quand l’interlocuteur ajouta : « plus bas encore, sire, tous ces gens-là disent : Vive Mazzini ! » - Ainsi tout lui renvoyait sa pensée sous l’aspect le plus séduisant et sous la forme la plus odieuse pour lui. Dans le fond, il comptait bien avoir raison des révolutionnaires. S’il était permis de fixer l’instant où les résolutions du roi sarde durent prendre dans son esprit un caractère plus arrêté et plus net, on pourrait dire que ce fut au moment de la brusque occupation de Ferrare par les Autrichiens. Une lutte dans ces conditions se présentait sous les couleurs les mieux faites pour frapper une âme agitée d’instincts religieux et chevaleresques ; il y avait quelque chose d’une croisade. Pie IX, on le sait, protestait contre l’occupation de Ferrare, et Charles-Albert écrivait à un de ses confidens que, si le pape avait besoin de secours, il était prêt à combattre jusqu’à extinction. Dès lors tout se précipitait, et cette histoire n’est plus qu’un enchaînement d’actes décisifs propres à Charles-Albert ou délibérés en commun entre les gouvernemens italiens, — les uns et les autres également inspirés par cette double pensée d’indépendance nationale et de rénovation intérieure qui entraînait la péninsule.

C’est dans l’automne de 1847 que vient se résoudre pour le Piémont ce long et ardent travail. Charles-Albert dénouait d’abord ce singulier conflit d’influences rivales qu’il avait organisé dans son conseil. Quelques rudesses de police avaient amené la démission du ministre de la guerre, M. de Villamarina, et le roi choisissait ce moment pour éloigner du ministère des affaires étrangères M. Solar della Margarita, qui mettait une conscience rare à ne point comprendre que son jour était passé, et croyait devoir à ses principes d’attendre une révocation. Avec M. della Margarita disparaissait du conseil le dernier élément absolutiste. C’était le 9 octobre 1847, et le 30 la gazette officielle publiait une série de décrets de réformation qui simplifiaient l’administration de la justice, instituaient la publicité dans les causes criminelles, créaient un tribunal de cassation en abolissant les juridictions exceptionnelles, posaient les bases d’une organisation nouvelle des municipalités et des provinces, fondée sur l’élection, et réglaient l’action de la police. Une révision des lois sur la presse était promise. Le 4 novembre, un fait d’une autre portée se produisait à Turin. Rome, représentée par Mgr Corboli, la Toscane et le Piémont se liaient par une union douanière qui, dans les circonstances où on se trouvait, était comme la pierre d’attente d’une alliance politique. Quelques jours plus tard, le 27 novembre, de nouveaux