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termes ; cette rédaction n’était pas encore complètement arrêtée, plusieurs projets étaient en discussion, et celui qui émanait du gouvernement russe effarouchait à plusieurs égards les ministres anglais. Ils répugnaient surtout à consacrer pour l’avenir un système de congrès fréquens et en quelque sorte périodiques dont la Russie eût voulu faire, pour ainsi parler, les états-généraux de l’Europe. Lord Bathurst, dans une lettre du 28 octobre, rendait compte ainsi à lord Castlereagh d’un débat qui avait eu lieu à ce sujet dans le conseil :


« Nous avons tous été plus ou moins frappés de la crainte qu’il ne sortit de graves inconvéniens d’une décision qui annoncerait publiquement une suite de réunions de cabinets sur des points déterminés. Il est parfaitement naturel que vous éprouviez un vif désir de voir continuer ce système dont vous avez tiré si bon parti ; mais, lors même que nous aurions la certitude que les réunions subséquentes seraient animées d’un égal esprit de cordialité, quel avantage y aurait-il à prendre pour l’avenir une détermination précise, excepté pour ce qui regarde la prochaine réunion que nous sommes tous d’accord de fixer et d’annoncer dès à présent ? Si je vous comprends bien, il serait question, après avoir décidé que les réunions projetées auraient lieu à des époques précises, de l’annoncer aux autres gouvernemens par une circulaire qui renfermerait des explications propres à les satisfaire. Pensez-vous qu’aucune déclaration générale pût avoir cet effet ? Dans la circonstance actuelle, nous avons pu atteindre ce but (et non pas sans difficulté) en leur donnant l’assurance que nous n’avions à nous occuper que de l’évacuation ; mais en leur faisant connaître l’adoption du système des réunions périodiques, nous devrons ajouter qu’elles se rapporteront uniquement à tel ou tel objet déterminé, ou même à une seule puissance, à la France, et aucun engagement de n’intervenir en aucune façon dans des matières où le droit des gens ne justifierait pas notre intervention ne suffirait pour les rassurer, parce qu’ils pourraient craindre que de grands souverains, avec de nombreuses armées, ne se conformassent pas toujours aux décisions des jurisconsultes. — Vous comprendrez que l’objection que je viens de vous exposer ne s’adresse pas au système, mais à l’opportunité qu’il peut y avoir à le déclarer dans une lettre circulaire. Dût-elle se borner à annoncer simplement une autre réunion, je douterais de cette opportunité, car de semblables lettres font rarement un bien quelconque et suscitent pour l’ordinaire dans le parlement des débats très fâcheux. On peut donc recourir à tout autre moyen pour annoncer la chose. — Mais les objections de Canning[1] ne portent pas seulement sur le mode de la déclaration à faire, elles s’attaquent au système même des réunions périodiques. Il ne pense pas que le neuvième article (du traité du 20 novembre), sur lequel on s’appuie pour les demander, ait été conçu comme s’appliquant à d’autres réunions que celles qui seraient nécessaires pour surveiller l’état intérieur de la France en tant qu’il pourrait mettre en danger la tranquillité européenne. Il croit que le système de réunions

  1. George Canning, qui avait été quelques années auparavant secrétaire d’état pour les affaires étrangères et était ensuite sorti du cabinet, venait d’y rentrer comme président du bureau de contrôle.