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— Eh bien ! Jeanne-Antoine, je vous promets que vous la verrez tout à votre aise.

— Allons, bon ! Maintenant il faudrait aller à la messe ; je crois que voilà le dernier coup qui sonne.

— Ah ! vous voulez aller à la messe ? Eh bien ! ma foi ! ne vous gênez pas. Vous irez avec la Fifine, tenez. Moi, je suis de cuisine. Fifine, dépêche-toi, voilà la Jeanne-Antoine qui t’attend pour aller à la messe.

— Me voilà, me voilà, je suis prête.

La Fifine arrive avec un joli petit bonnet et un petit châle d’été sur les épaules. Le trouble de son cœur se lit de reste sur sa figure. À l’instant où elle entre dans la cuisine, ses yeux rencontrent ceux de Manuel, et elle se met à rougir comme braise. Pour cacher son embarras, elle se précipite vers la marmite en faisant à son père toute sorte de recommandations relativement à la poule. Manuel, qui n’a garde de manquer la messe, se met à suivre sa mère et la Fifine en faisant résonner ses fers de bottes sur le pavé.

Au retour de la messe, le couvert est sur la table.

— Mais, dites donc, Josillon, est-ce qu’elle ne vient plus ?

— Qui ?

— La particulière.

— Pourquoi, Jeanne-Antoine ?

— Parce que ne voilà que quatre couverts de mis.

— Ça ne fait rien, Jeanne-Antoine. Quand je vous dis qu’elle sera là ! Allons, asseyez-vous là, Jeanne-Antoine, à côté de la Fifine. Toi, grand, viens te mettre ici, près de moi.

— Mais enfin…

— Un peu de patience, Jeanne-Antoine. Elle m’a fait dire qu’elle viendrait pour la poule. Comment avez-vous trouvé mon bouillon ?

— Oh ! ma foi, Josillon, c’est comme on dit des fois, c’est affaire à vous.

— Personne ne veut plus de bouilli ?

— Oh ! merci, merci.

— Eh bien ! alors, donne-moi cette bouteille que voilà sur la crédence, et tu nous serviras la poule.

La Fifine sent le cœur lui battre comme un marteau de forge. Manuel, lui, quoiqu’il s’y retienne des deux mains, danse sur sa chaise comme un pilon dans un mortier. Quant à la Jeanne-Antoine, elle ne quitte plus des yeux la porte de l’escalier.

— Ah ! pour le coup, Jeanne-Antoine, nous allons boire un petit coup de vin de Chauviré. Fifine, viens t’asseoir.

— Oui, mais… cette demoiselle ?

— A la votre, Jeanne-Antoine ! A la santé, grand !

— A la votre, Josillon ! A la vôtre, mam’zelle Fifine !

— Oui, mais, Josillon…

— Quoi ?

— Cette demoiselle ?

— Cette demoiselle ?… Eh bien ! pardié ! ne la voilà-t-il pas ?

— Où ? qui ?…

— Là, à côté de vous…