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accorde un nouveau dégrèvement de 15 pour 100. il est vrai que la quantité des toiles admissibles au droit privilégié a été réduite à 2 millions de kilogrammes, alors que le traité de 1845 avait fixé cette quantité à 3 millions ; mais comme les importations de toiles belges en France atteignent à peine, depuis plusieurs années, la moyenne de 1,200,000 kilogrammes, leur situation, sous le régime du traité de 1854, sera beaucoup meilleure qu’elle ne l’était sous l’application des conventions précédentes, et M. de Brouckère a dit avec raison : « Mieux vaut un crédit moins large avec la chance de le remplir qu’un crédit, fût-il illimité, mais sans les moyens d’en user[1]. »

La levée de la prohibition qui frappait en France les cotonnettes et étoffes à pantalon ainsi que la poterie de grès fin[2] constitue au profit de la Belgique un avantage d’autant plus appréciable que ce pays obtient, quant à présent du moins, une faculté d’importation qui n’est partagée par aucun autre. Pour la poterie, il y a près de vingt ans que l’on songe en France à abolir la prohibition, et notre industrie reconnaît elle-même qu’elle est en mesure de soutenir la concurrence étrangère. Quant aux étoffes de laine, les manufacturiers de Roubaix, qui fabriquent particulièrement les articles similaires de ceux que le traité admettra désormais à l’entrée en France, ont exprimé des plaintes très vives contre la faveur accordée à l’industrie belge ; cependant il faut remarquer que la prohibition est remplacée par un droit de 25 pour 100, et ce droit semble assez élevé pour protéger nos manufactures, que défendent en outre le bon goût et la solidité de leur fabrication.

Les réductions de droits accordées à la Belgique pour l’importation en France des livres, papiers, estampes, encre et caractères d’impression sont la conséquence naturelle de la suppression des contrefaçons. Elles ouvrent à la typographie belge une carrière nouvelle. Au lieu de contrefaire les œuvres de nos écrivains, les imprimeurs de Bruxelles pourront se livrer désormais à la réimpression loyale, soit même à la publication des livres français, et ils trouveront sur notre marché le placement d’une partie de leurs produits[3].

Les stipulations relatives au houblon, aux glaces, aux machines et mécaniques n’ont pas une moindre importance, et elles doivent exercer une influence assez sensible sur les envois de la Belgique à destination de la France. Le tarif du houblon notamment est abaissé de plus de 40 pour 100 (40 fr. par 100 kilog. au lieu de 72 fr.). Néanmoins l’une des clauses qui ont été le plus remarquées dans le traité du 27 février 1854 est sans contredit celle qui règle

  1. Exposé de motifs du traité de 1854, présenté à la chambre des représentans.
  2. La prohibition sur la poterie de provenance belge ne sera levée qu’un an après l’échange des ratifications du traité.
  3. De 160 et 107 fr. 50 cent, par 100 kilos, ce droit sur les livres français ou étrangers imprimés en Belgique est abaissé à 20 fr. ; pour les papiers, le droit qui variait de 86 à 160 fr. est ramené au taux uniforme de 25 fr. Le gouvernement français a donc reculé la limite de ses concessions aussi loin que possible. Le tarif belge sur les mêmes articles a été en même temps réduit ; il demeure encore au-dessous du nouveau tarif français. Les conditions de l’industrie du papier et des impressions étant plus favorables en Belgique qu’en France, la différence qui subsiste dans les chiffres des deux tarifs est parfaitement justifiée.