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sentie par les chambres ; de l’autre, le ministère seul ne veut ni maintenir l’ancienne constitution, ni laisser discuter les bases de celle qu’il médite. Livré à ses propres forces, mal soutenu par le roi lui-même, le cabinet de Copenhague n’a qu’un appui naturel en pareille circonstance, celui de la Russie, qui poursuit le double avantage de seconder la destruction du régime constitutionnel et de retenir le Danemark dans la voie d’une politique plus ouvertement favorable aux puissances occidentales. Le ministère Œrsted, vaincu par les circonstances, a disparu un moment, puis il s’est recomposé, et il s’est retrouvé naturellement en face des mêmes difficultés et de la même opposition : c’est le caractère extrême de cette situation qui faisait accueillir récemment le bruit d’un coup d’état. Ce n’était point un coup d’état accompli contre la constitution même, c’était plutôt un essai dirigé contre la plupart des journaux du pays, à l’occasion d’une fête qui devait être célébrée le 5 juin, pour l’anniversaire de la promulgation de la constitution. Cette fête, un moment interdite, a fini par avoir lieu près de Copenhague ; elle a été célébrée au milieu d’un concours immense de population sans trouble et sans désordre. Le roi lui-même avait été invité à y assister par les organisateurs de la fête, mais il avait refusé d’y paraître. Quelque significative que soit cette manifestation, les difficultés n’en restent pas moins entières, et le Danemark demeure divisé et incertain.

Tout consiste, comme nous l’indiquions récemment dans l’exécution du Helstat ou dans l’application d’une même constitution à toutes les parties de la monarchie danoise. Est-il possible d’exécuter le Helstat proclamé dans la publication royale du 28 janvier 1852 ? Si cela est possible, pourquoi le ministère refuse-t-il de faire connaître quelles seraient dans son opinion les bases de la constitution commune ? Pourquoi persiste-t-il à donner au Slesvig d’une part, au Holstein de l’autre, des constitutions particulières, avant de s’être mis d’accord, conformément aux prescriptions de la loi fondamentale, sur les principes de la constitution commune ? Du système suivi jusqu’ici par le ministère, on est induit à conclure, ou qu’il veut faire octroyer cette constitution par le roi, comme on l’a dit, ou qu’il juge impossible de réunir sous une loi commune un état composé d’un royaume constitutionnel et de trois duchés, — Slesvig, Holstein et Lauenbourg, — restés soumis au gouvernement absolu. La forme de l’octroi royal pour le Helstat serait une violation formelle de la constitution de 1849, et la question est de savoir si le roi Frédéric VII, qui s’est montré jaloux de son serment, consentirait à cette violation. Si le ministère considère aujourd’hui comme impossible une constitution commune en raison des élémens si divers qui composent la monarchie danoise, il faut donc renoncer au Helstat ; ce n’est après tout que pour mettre fin aux embarras intérieurs du Danemark que les chambres danoises, sous la pression des circonstances générales, se résignaient à accepter cette combinaison, remontant à 1848. Ce n’était pas sans regret, car elles voyaient par là le Holstein, dont elles redoutaient l’influence tout allemande, devenir partie intégrante de la monarchie, et le Slesvig, dont tout le pays souhaitait l’annexion pure et simple, placé au contraire vis-à-vis du royaume de Danemark dans la même situation que le Holstein, forcé d’accepter, comme ce dernier, des états provinciaux et un gouvernement absolu. Quelque répugnance que les chambres danoises eussent à cette combinaison, le correctif