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plusieurs évêques de ses amis, particulièrement à M. de Gondrin, archevêque de Sens, de se porter médiateurs entre les deux partis, et de les désarmer en leur imposant de mutuels sacrifices. Les nombreuses lettres qu’elle écrit alors à Mme de Sablé et toute la correspondance de Mlle de Vertus témoignent de ses efforts persévérans et de tous les obstacles qu’elle eut à vaincre. A peine avait-elle obtenu, à force d’adresse, quelque concession du côté de la cour et de Rome, qu’il lui fallait bien plus d’adresse encore pour la faire accepter du côté de Port-Royal. Arnauld, d’abord si modéré, et qui avait paru faible à Pascal et à sa sœur, aigri par l’injustice, était revenu sur ses pas, et il n’avait plus qu’une crainte, celle de sacrifier la moindre parcelle de la vérité à l’espérance d’un arrangement équivoque. Il troublait trop souvent les négociations commencées par des lettres inopportunes et par des propos qu’on ne manquait pas d’envenimer. L’ancienne ambassadrice de Munster eut grand besoin de sa douceur et de sa patience. Sans cesse elle écrit à Mme de Sablé : « Au nom de Dieu, poussez bien M. Arnauld à se taire. » — «Il est besoin, pour que l’affaire se termine, d’un silence profond de tous tant que nous sommes. Faites seulement de vostre costé que M. Arnauld ne dise mot du monde. » Mme de Sablé n’épargna pas non plus son crédit et ses démarches. Elle intervint surtout auprès du cardinal Rospigliosi, neveu du saint-père, qu’elle avait connu à Paris, et elle lui écrivit à Rome en faveur de ses bonnes et saintes voisines, dont tout le crime, dit-elle, est « une tendresse de conscience qui leur fait craindre de blesser la vérité en affirmant que des propositions sont dans un livre qu’elles ne sauroient entendre parce qu’il est dans une autre langue que la leur. » Enfin, grâce à ce concert de généreuses intentions, Mme de Longueville put donner à Mme de Sablé cette bonne nouvelle : « 14 octobre 1668. Je vous apprends que MM. de Sens et de Châlons menèrent hier M. Arnauld chez M. le nonce, qui le traita à merveille. MM. de Lalanne et Nicole y estoient aussi. Voilà proprement le sceau de la paix. La chose est publique. » La paix fut en effet assurée, en 1669, par une bulle du pape Clément IX et par un édit du roi. Elle dura tant que vécut Mme de Longueville. Port-Royal l’observa scrupuleusement, et poussa la fidélité à sa parole jusqu’à retrancher des Pensées de Pascal tout ce qui se rapportait aux anciens débats et aux jésuites. La conduite déployée par Mme de Longueville dans toute cette affaire ajouta un caractère nouveau de haute considération à la renommée que la fronde lui avait faite. Louis XIV, qui avait éprouvé tour à tour sa sincérité courageuse et son habile modération, la loua publiquement. Les jésuites se turent, ou ne répandirent que de lourdes calomnies. Port-Royal la bénit, et son fidèle et ingénieux historien Fontaine, en terminant le récit de la