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longue négociation qui prépara la paix de 1669, ne peut s’empêcher de lever les mains au ciel et de s’écrier dans l’effusion de sa reconnaissance : « Rendez, ô mon Dieu, au centuple à votre servante tout ce qu’elle a fait alors pour votre gloire, pour l’intérêt de votre église et pour vos très humbles serviteurs. Elle s’étoit préparée de loin à ce grand ouvrage, en retirant dans son hôtel ceux qui soutenoient votre vérité. Elle cachoit sous ses ailes ceux que l’on cherchoit de toutes parts : son nom étoit comme un bouclier qui paroit tous les traits qu’on s’efforçoit de lancer sur eux….. Vous avez sans doute écrit la récompense de cette princesse dans le ciel où je la regarde présentement, et vous réservez à votre grand jour à la combler de la gloire qu’elle a si justement méritée pour ses bonnes œuvres….. Elle a souffert paisiblement les opprobres des superbes : elle a su ce qu’on disoit d’elle par mespris, et qu’on ne rougissoit pas de l’appeler la honte et l’ignominie de la famille royale. Vous ferez voir. Seigneur, qu’elle en a été l’ornement, et saint Louis sans doute n’a pas rougi d’elle dans le. ciel. »

Une autre partie de la correspondance va nous montrer Mme de Longueville sous un autre aspect, non plus sur un théâtre, faisant face à des ennemis déclarés, et poursuivant ouvertement un noble but, mais au sein de sa famille, sous le poids de l’éducation de ses enfans, consumant son courage et une délicatesse magnanime dans des luttes obscures dont Mme de Sablé était la seule confidente, et que nous révèlent les lettres tombées entre nos mains.

Mme de Longueville eut quatre enfans, deux filles qui s’éteignirent fort jeunes, et deux garçons. L’ainé, Charles d’Orléans, comte de Dunois, était né le 12 janvier 1646. Il devait succéder aux titres et aux charges de son père; mais la nature en avait autrement décidé : il était mal fait de corps et d’esprit, et ne fut à sa mère qu’un long chagrin. Le second était un enfant de la fronde, et quand elle l’eut, Mme de Longueville était déjà intimement liée avec La Rochefoucauld. Ceux qui alors menaient le peuple de Paris se défiaient un peu des intentions de la sœur en voyant dans les rangs opposés son frère aîné, le prince de Condé. Il fallait leur donner des gages : elle n’hésita pas et vint, dans une grossesse avancée, avec la jeune et belle duchesse de Bouillon, s’établir à l’Hôtel de Ville[1]. C’est là que, dans la nuit du 28 au 29 janvier 1649, elle mit au monde ce fils, qui eut pour parrain le prévôt des marchands, pour marraine la duchesse de Bouillon, qui fut baptisé par Retz en l’église Saint-Jean de Grève et reçut le nom de Charles de Paris, comte de Saint-Paul. Le jeune prince fit bientôt voir qu’il était digne d’être né sous ces

  1. Mémoires de Retz, édit. d’Amsterdam, 1731, t. Ier, p. 211.