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assis sur le siège d’Edchmiadzin, où il n’est monté qu’en 1843[1], et le rôle qu’on lui prête était au-dessus de ses attributions. Il faut ajouter que le gouvernement impérial, bien loin de songer à porter atteinte à l’indépendance de l’église arménienne, semble plutôt dirigé par la pensée de la fortifier comme institution nationale, afin de l’opposer comme une barrière au développement du catholicisme parmi les Arméniens. La preuve de ce que j’avance ici ressort d’un document, très curieux d’ailleurs, parce qu’il nous révèle une disposition de la législation qui régit en Russie les diverses communions chrétiennes qui sont en dehors de l’église officielle; c’est une lettre de M. le comte Perovsky, adressée au catholicos Nersès, en date du 18-30 janvier 1852. Je l’emprunte, en la traduisant, à un journal arménien de Constantinople[2].


« Monseigneur,

« Je me suis empressé de placer sous les yeux de sa majesté impériale la requête de votre grandeur, qui m’a été transmise par son altesse le vice-roi du Caucase (prince Woronzof), et qui a pour objet d’obtenir la faculté de recevoir dans le sein de l’église grégorienne les Arméniens catholiques, sans en demander l’autorisation chaque fois au ministre de l’intérieur. Sa majesté l’empereur et roi, considérant que s’il a imposé l’obligation à quiconque veut passer d’une communion chrétienne étrangère à une autre communion d’obtenir l’agrément préalable du ministre de l’intérieur, afin de protéger les différentes églises dissidentes contre un esprit de prosélytisme et d’envahissement réciproques, — une distinction doit être faite pour les Arméniens catholiques, qui ne sont, relativement à l’église grégorienne, que comme les enfans égarés de cette antique église, — sa majesté a daigné accorder à votre grandeur le droit de recevoir leur abjuration volontaire, et d’opérer leur retour à la foi de leurs pères. Je suis heureux d’avoir à vous communiquer la réponse favorable de sa majesté. »


Le catholicos est assisté d’un conseil ou synode dirigeant, qui se compose d’archevêques ou évêques sans diocèse et d’archimandrites, avec un procureur qui est chargé de l’instruction et du rapport des affaires, et qui est aussi chef de la chancellerie patriarcale. Lorsque ces affaires ont de l’importance, elles sont adressées à Saint-Pétersbourg et soumises à la décision de l’empereur par l’entremise du vice-roi du Caucase. A la mort du catholicos, les quinze prélats ses suffragans, qui siègent dans la Perse, la Russie et l’empire ottoman, sont convoqués, ainsi que les principaux de la nation et les députés des corporations. Deux candidats sont choisis au scrutin et

  1. La date de la confirmation de Nersès comme catholicos par l’empereur Nicolas est du 13-25 août 1843, comme l’indique le Kavkaskii Kalendar (Calendrier du Caucase), qui a paru à Tiflis pour 1853.
  2. Noïyan Aghavni (la Colombe de Noë), n° du 5-17 juin 1853.