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un petit port à Bernières; la Seulle y débouchait en s’infléchissant à l’est, et de vastes marais s’étendaient à l’ouest jusqu’à Anelles, à douze kilomètres de distance. Depuis, la mer a dévoré le port et les marais; elle a raccourci le cours de la Seulle de 3,000 mètres, et il ne reste plus da havre de 1640 qu’une série de bas-fonds où la retraite de la marée laisse de longues flaques d’eau. Il est du reste permis de voir un indice de transformations bien plus vastes dans les vestiges de retranchemens romains qui, de Réviers à Tailleville et à Saint-Aubin, enveloppent Courseulle : la charrue met souvent à découvert dans leur vaste enceinte des briques, des fragmens de poterie antique et des médailles. Il n’est pas probable que les Romains se fussent si fortement installés sur ce point, s’ils n’avaient eu qu’une insignifiante station navale à protéger, et l’ancienne configuration du rivage donnait sans doute à leur établissement militaire des raisons d’être qui n’existent plus. La côte est encore rongée par le flot; mais à mesure que les dentelures s’en émoussent, elle donne moins de prise aux courans : ceux-ci s’amortissent d’ailleurs quand les matières qu’ils déplacent ont comblé les vides qui les attiraient, et si la mer n’est pas encore arrivée à la ligne qu’elle ne doit pas franchir, la stabilité du rivage paraît bien près d’être atteinte.

Les pêcheurs intrépides dont cette côte est peuplée tirent la plupart du temps leurs barques à terre : le seul havre qu’elle leur ouvre est celui de Courseulle, village maritime auquel le commerce des huîtres a fait faire depuis trente ans de remarquables progrès. Courseulle est situé au bord du plateau qui domine les prairies marécageuses au milieu desquelles serpente la Seulle; le rivage est bordé d’un bourrelet de dunes hautes de cinq à six mètres et fixées par une grande abondance de petits joncs; vis-à-vis l’embouchure de la rivière, une sorte de rupture du plateau du Calvados forme la Fosse de Courseulle et offre sur les dépôts vaseux qui s’y sont accumulés un petit mouillage. Les besoins d’une industrie nouvelle, qui dès 1826 entreposait 60 millions d’huîtres sur cette plage, déterminèrent en 1829 le creusement, au moyen de la concession d’un péage, d’un port que l’état a racheté 300,000 francs en 1846. Ces travaux ont été mal projetés et mal exécutés. Ils consistent en un canal de 650 mètres de long sur 45 de large, dirigé vers le sud-ouest, et coupé vers son milieu par une écluse qui s’est démantibulée aux premières chasses qu’elle a données : ce bassin de trois hectares est enveloppé par le lit délaissé de la Seulle, et le volume d’eau qu’y jettent les marées est insuffisant pour balayer les sables et les galets qui s’amoncèlent à l’entrée. Celle-ci n’offre à la haute mer qu’une profondeur normale de 3 mètres en vive eau, de 1 mètre 60 en morte eau, et la profondeur réelle est souvent diminuée d’un mètre