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par l’encombrement du fond. C’est évidemment trop peu pour le mouvement maritime actuel. M. Givry a judicieusement remarqué, lorsqu’il a fait l’hydrographie de la côte, que pour approfondir l’entrée du havre de Courseulle par le jeu des marées, il suffirait de prolonger le canal dans le lit redressé de la Seulle, et de donner de la sorte au flot le moyen de s’étendre.

Les premiers parcs à huîtres réguliers de l’embouchure de la Seulle ont été formés, il y a plus de trente ans, par un habitant de Caen, M. Hervieux-Duclos. Ces intelligentes tentatives ont été couronnées d’un succès complet : Courseulle est devenu le siège d’un commerce important; en 1852, ses parcs ont reçu 249,090 quintaux d’huîtres, ce qui équivaut à 290 millions de ces coquillages et constitue une valeur de plus de 3 millions. Dire, en présence des chemins de fer qui s’avancent, que ce mouvement est dû surtout à l’amélioration des communications, c’est annoncer que le terme n’en est point arrivé. Courseulle est d’autant mieux en mesure de profiter des progrès qui s’accompliront, que ses parcs peuvent s’étendre presque indéfiniment sur la plage, et que l’alimentation en est assurée par le voisinage d’un des plus grands bancs d’huîtres de la Manche.

En arrière des falaises crayeuses qui succèdent à la côte basse du plateau du Calvados s’est accompli, sous le règne de Charles VII, un des plus grands événemens de notre histoire.

Le village de Formigny est situé sur la route de Paris à Cherbourg, à moitié chemin de Bayeux à Isigny, au pied de collines gracieusement ondulées qui l’abritent du nord et de l’ouest, sur la rive gauche d’un petit ruisseau qui descend au sud vers la rivière d’Aure. C’est là que fut porté, le 15 avril 1450, le coup décisif à la domination des Anglais sur la Normandie. Rouen leur avait été enlevé l’année précédente; chassés de la vallée de la Seine, ils avaient senti la nécessité de se renforcer dans la Basse-Normandie, où se concentrait la lutte qui durait presque sans relâche depuis Guillaume le Conquérant. Un corps d’armée débarqué à Cherbourg marcha sur Caen après s’être emparé de Valognes et avoir rallié tout ce qu’offraient de disponible les garnisons du Cotentin. Malgré la résistance de Geoffroy de Coeuvres et de Joachim Roault, « qui férirent sur son avant-garde moult asprement, » il franchit, le 14 avril, les Vays au gué de Saint-Clément, opéra sa jonction avec une partie de la garnison de Bayeux, qui était venue à sa rencontre, et campa avec sept mille hommes à Formigny. Les Anglais, dans cette marche hardie, avaient laissé sur leur droite le comte de Clermont, lieutenant-général du roi, qui occupait Carentan avec des forces fort inférieures aux leurs, et le connétable de Richemont, digne de ceindre l’épée de Du Guesclin, qui le même soir arrivait à Saint-Lô avec trois cents lances. Le