Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il faut sur un visage en pleurs
Mettre le masque de Silène.

Pourquoi, dans tes yeux obscurcis.
De ton cœur trahir les soucis ?
Veux-tu que la pitié t’accable ?
Laisse notre doigt acéré
Sur ton masque transfiguré
Graver un rire ineffaçable.

Des traits que vous avez reçus.
Pour bien guérir, ô cœurs déçus.
Rendez des blessures pareilles ;
Venez apprendre à nos leçons
Comment, dans le miel des chansons.
On tient prêt le dard des abeilles.


CHANSON DU MERLE.

Le rossignol amoureux,
Langoureux,
Qui s’enivrait d’une rose.
L’oiseau poète est parti,
Averti
De l’hiver et de la prose.

Mais il reste encor des voix
Au doux mois
Où le raisin nous arrive.
Voyez, sans craindre les rets,
Des forêts
Sortir en chantant la grive ;

La grive et le sansonnet
Qui connaît
Les plus beaux ceps de vos vignes ;
Le merle siffleur méchant
Dont le chant
Raille et fait peur à vos cygnes.

Il mord, le hardi voleur,
Au meilleur ;
A tout fruit mûr il fait brèche ;
Puis, des pampres déliés,
À nos pieds,
Part sifflant comme une flèche.