Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les grands pour caresser leurs défauts et en tirer quelque avantage. Comment veut-on qu’un jeune homme riche et beau résiste aux tentations, quand il reçoit souvent des vers tels que ceux-ci ?


A MONSEIGNEUR LE COMTE DE SAINT-PAUL.
STANCES.

Prince, j’avois prédit qu’un jour
Vous seriez en tous lieux plus craint que le tonnerre;
Mais, avant d’essayer les travaux de la guerre.
Ne goûterez-vous point les douceurs de l’amour ?

Je sais quelle est la récompense
Dont le dieu des combats peut flatter les guerriers ;
Mais, quel que soit le prix qu’il donne à leur vaillance.
Les myrtes de l’amour valent bien les lauriers.

Vous reçûtes de la nature
Mille perfections dont le monde est charmé;
Prince, ne souffrez pas que la race future.
Trouve en vous le défaut de n’avoir point aimé.

Ne craignez pas pour votre gloire.
Quand vous suivrez les lois de quelque objet charmant.
Il est beau quelquefois de perdre la victoire
Et de faire céder le héros à l’amant.

Si jamais votre cœur soupire
Et quitte pour un temps les desseins généreux,
Amour ne vit jamais dans son aimable empire
De plus digne sujet ni d’amant plus heureux.

Ces petits vers, qui malheureusement font penser à ceux que Théramène adresse à son élève Hippolyte dans la Phèdre de Racine, sont-ils aussi du précepteur du comte, l’abbé d’Ailly, ou d’Esprit, ou de quelque autre lettré de la maison ? Nous l’ignorons; mais nous voulons croire qu’ils ne viennent ni de Mlle de Scudéry, ni de Pellisson, ni même de Mme de La Suze, quoique nous les trouvions dans un recueil qui porte leur nom[1].

  1. Recueil de pièces galantes en prose et en vers de madame la comtesse de La Suze, d’une autre dame et de M. Pellisson ; Paris 1678, p. 327 de la réimpression hollandaise.