Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


14 avril 1854.

Dans cette crise où nous entrons et qu’il ne dépend plus d’aucune sagesse d’écarter de l’Europe, il faut bien maintenant s’attendre à voir les actes décisifs, irrévocables, prendre de plus en plus le pas sur le vain travail des négociations et sur les prudentes lenteurs de la diplomatie ; la diplomatie elle-même, pacifique de sa nature, prend un caractère actif et militant. Quand les forces des peuples sont engagées, les événemens qui peuvent d’un instant à l’autre sortir de ces conflits sont les véritables maîtres des résolutions souveraines des cabinets ; ils les dominent et les règlent ; ils changent incessamment l’aspect des choses, font surgir des situations nouvelles, et déplacent les directions de la politique. Suivre ces événemens de jour en jour, à mesure qu’ils s’accomplissent, c’est ne point cesser de suivre cette redoutable question d’Orient sous une autre forme, sur un théâtre plus périlleux où elle reste soumise à tous les accidens de la plus puissante lutte armée. Au terme où en est venue l’Europe, il y a trois points essentiels qui sont en première ligne et qui se dessinent dans l’ensemble de cette affaire d’Orient, devenue la crise de la civilisation et de l’équilibre occidental. C’est d’abord la marche de la guerre et l’action indépendante de l’Angleterre et de la France, placées dès ce moment en lutte ouverte avec l’ambition russe. D’un autre côté, quelle est la politique qui prévaut définitivement dans les conseils des états de l’Allemagne, et quelle est la véritable attitude de ces états entre la Russie et les puissances maritimes ? Enfin quelle est la situation de l’Orient lui-même au milieu de ses insurrections intérieures et des différends suscités par ces insurrections entre le gouvernement turc et le gouvernement hellénique ? La France et l’Angleterre, jetées les premières dans la lutte, marchent sous le » auspices d’un droit reconnu par l’Europe entière. L’Allemagne, décidée en principe pour la politique européenne, incline lentement, mais invinciblement, vers un système d’action conforme aux engagemens de sa diplomatie. Le soulèvement des populations chrétiennes dans