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ministre de la Porte en Grèce, a quitté Athènes, et que M. Metaxa, représentant du roi Othon en Turquie, a dû quitter Constantinople ; les sujets helléniques résidant dans l’empire ottoman ont même reçu l’ordre de partir dans un court délai. Malheureusement dans ce conflit le gouvernement grec est loin d’avoir l’appui des cabinets européens.

C’est ainsi que cette formidable question s’enchevêtre, se complique de toute sorte d’élémens périlleux, et met à la fois tous les intérêts, toutes les tendances, toutes les passions en présence. On peut la voir aujourd’hui dans ce qu’elle a de complexe et de saisissant. Par combien d’autres phases ne passera-t-elle pas encore ! Mais il faudra toujours remonter aux causes réelles, où la main de la Russie restera fatalement empreinte. Ce sont ces causes que M. Eugène Forcade a décrites avec un talent souple et vigoureux, avec une intelligence élevée des choses politiques, dans cette série d’études que connaissent les lecteurs de la Revue, et qui revoient le jour, rassemblées sous un même titre : Histoire des Causes de la Guerre d’Orient. Là sont les préliminaires éloquens de cette guerre dont l’avenir est un mystère. Il y a surtout dans ces pages un sentiment qui se retrouve chez tous les hommes nourrissant l’amour de leur pays : c’est qu’en présence de ces questions puissantes auxquelles est attachée la destinée de la civilisation et de l’Europe toutes les dissidences politiques s’effacent ; il ne reste que la passion ardente de voir une indépendance sérieuse et forte victorieusement raffermie.

C’est ce qui fait que dans ces instans de crise universelle il y a comme un temps d’arrêt dans toutes les choses qui composent le mouvement intérieur : l’attention se concentre sur ce point où s’agitent pour le monde des destinées inconnues. Les questions secondaires disparaissent et perdent de leur prix. Par tous les chemins, on revient à l’objet imique de la préoccupation ; on y est ramené par les impressions diverses de l’opinion, par les intérêts qui restent en suspens et qui attendent, par le spectacle du déploiement des forces militaires, par les conversations du monde, en un mot par cette tension universelle de toutes les pensées vers le même but. Il est cependant, dans cette vie intérieure si violemment distraite, des faits qui servent encore à la caractériser, à montrer de temps à autre d’une manière plus vive les transformations de toutes les conditions publiques, à laisser apparaître quelque chose de tout ce travail contemporain de recherches tendant à l’amélioration de la civihsation matérielle. Si tempéré que soit nécessairement le mouvement politique intérieur par la législation et par les diversions d’un intérêt extérieur puissant, ne retrouve-t-on pas comme un contraste de plus, une sorte de reflet lointain de l’animation d’autrefois, dans certains incidens tels que celui qui mettait récemment en cause M. de Montalembert, et qui plaçait cet homme éminent en face d’une autorisation de poursuite demandée au corps législatif, pour le laisser en face d’une poursuite réelle devant les tribunaux. De quoi s’agissait-il ? M. de Montalembert était amené il y a quelques mois, à ce qu’il parait, à écrire à M. Dupin une lettre traitant de fort grandes matières politiques, et où se faisaient jour de vives passions d’opinion. Ce n’était encore qu’une correspondance privée. Comment cette lettre a-t-elle pris un autre caractère ? Là est la question ; elle semble avoir été connue, bien que n’ayant point été imprimée en France, et le gouvernement