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renouvelait, nous convînmes de ne plus y faire attention et d’essayer de goûter le repos d’une bonne nuit de sommeil. Mon mari, qui avait toujours été avec nous dans toutes les circonstances précédentes, entendit le bruit des coups frappés et se mit à la recherche de la cause. Il était de très bonne heure ce soir-là quand nous allâmes nous coucher, et la nuit était à peine close. Le motif était que nous avions été tellement privés de repos la nuit précédente que j’en étais presque malade. Mon mari, ainsi que je l’ai dit, n’était pas encore couché quand le bruit se fit entendre. Il commença comme d’ordinaire; je le reconnaissais parfaitement et le distinguais de tous les bruits quelconques que j’avais entendus dans la maison. Mes deux filles, qui couchaient dans l’autre lit de la même chambre, entendirent le bruit et essayèrent de produire le même son en faisant craquer leurs doigts. La plus jeune a environ douze ans. Aussitôt qu’elle faisait un bruit avec ses doigts ou en frappant ses mains l’une contre l’autre, on y répondait par un coup frappé dans la chambre. Ce bruit était le même que précédemment, il donnait seulement le même nombre de coups que l’enfant. Quand celle-ci s’arrêtait, les bruits étaient suspendus pour quelque temps. Mon autre fille, qui est dans sa quinzième année, dit alors en plaisantant : « Faites comme moi. comptez un, deux, trois, quatre, etc., » et en même temps elle frappait ses mains l’une dans l’autre. Ces coups furent reproduits comme d’abord. L’agent mystérieux semblait répondre en répétant chaque coup. Ce jeu ne fut pas continué. L’enfant commençait à s’étonner. Alors je pris la parole et dis au bruit : « Compte jusqu’à dix! » En effet, il se produisit dix chocs ou coups successifs. Alors je lui demandai l’un après l’autre les âges de mes différens enfans, et il frappa un nombre de coups correspondant à l’âge de chacun. Je demandai ensuite si c’était un être humain qui faisait ce bruit, et, s’il en était ainsi, de répondre par un choc. Il y eut un silence complet. Je demandai si c’était un esprit, et, s’il en était ainsi, de le faire connaître par deux coups. A peine les mots étaient-ils prononcés, que les deux coups se firent entendre. Je lui demandai s’il avait reçu quelque offense, et dans ce cas de le manifester par deux coups : ces deux coups furent très distinctement entendus; si c’était dans cette maison qu’il avait été lésé : sons affirmatifs; si l’offenseur était vivant : même réponse. J’appris, en continuant les mêmes interrogations, que sa dépouille mortelle était enterrée sous la maison, qu’il avait trente un ans, que c’était un homme, et qu’il avait laissé une famille de cinq enfans tous vivans. Sa femme était-elle vivante ? Silence négatif. Morte ? Affirmation. Depuis combien de temps ? Deux coups. »

Jusque-là les sons n’avaient répondu que par oui ou par non, ou par des coups réitérés désignant des nombres. Subséquemment néanmoins, l’attention étant éveillée et différens moyens ayant été imaginés pour s’entendre avec l’esprit, un des assistans eut l’idée d’interroger le faiseur de bruits par le moyen d’un alphabet. En conséquence on demanda à l’esprit si en prenant un alphabet ordinaire, il voudrait bien frapper un coup pour chaque lettre composant son nom à mesure qu’on promènerait la pointe d’une tige ou d’un crayon sur les lettres de l’alphabet. Cette convention ayant été adoptée, le nom de Charles Rayn fut épelé lettre par lettre. Plus tard, quand l’esprit était fatigué de répondre par l’affirmative ou la négative, il réclamait lui-même l’usage de l’alphabet, et cela par cinq coups frappés successivement.