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Tantôt c’était un alphabet écrit ou imprimé sur lequel on passait posément le doigt ou un indicateur quelconque; tantôt on récitait la série des lettres de vive voix, et quand on arrivait à la lettre désirée par l’esprit, un coup se faisait entendre et une lettre était épelée. En recommençant l’alphabet, on obtenait une seconde lettre, et ainsi de suite.

Nous n’avons pas besoin de dire que toute cette belle manifestation n’offrait rien de nouveau et qui ne traînât dans toutes les vieilles histoires de revenans, ainsi du reste que cela a été mis en évidence par tous les auteurs qui ont écrit là-dessus. Quelle que fût la cause naturelle ou surnaturelle que l’auteur assignât à la manifestation de Hydesville, comme des faits complètement analogues se sont passés plus récemment dans un village de Normandie, appelé Cideville, sans aucune connexion avec les prodiges américains et avant que ceux-ci fussent connus en Europe, les lecteurs qui ne seraient pas très au courant de cette démonologie (en grec démon veut dire esprit) sont avertis de ne pas faire de confusion. Au reste, comme la famille Fox se transporta plus tard dans la ville de Rochester, du même état de New-York, les manifestations portèrent plutôt le nom de cette ville que du village de Hydesville, où elles prirent leur origine. On trouvera l’histoire de Charles Rayn tout au long en fort bon style dans les lettres de Pline le Jeune, avec cette différence que les os du fantôme romain furent ensevelis convenablement (manes rite sepulti), tandis qu’après avoir un peu fouillé dans la cave pour trouver les restes du frappeur américain, on abandonna la besogne.

Si votre âme est en peine et cherche des prières.
Las ! je vous en promets et de toutes manières !

Ces prières, ces expiations aux mânes chrétiennes ou non de Charles Rayn n’ayant pas été accomplies, il arriva que l’une des demoiselles Fox, Margaretta, ayant suivi à Rochester une sœur aînée qui y était établie et déjà veuve, les sons mystérieux l’accompagnèrent comme si on les eût empaquetés dans sa garde-robe de voyage. Elle avait alors environ quatorze ans. J’ai demandé à plusieurs de ceux qui font des évocations avec les tables et qui conversent avec Napoléon Ier, avec Washington, avec Socrate, avec Molière, avec tous les héros et les hommes éminens de tous les âges, de vouloir bien évoquer ce malicieux Charles Rayn et lui demander pourquoi il ne s’est pas tenu tranquille, et si c’est pour se venger du peu d’activité qu’on a mis à retrouver ses restes qu’il a occasionné tout le mouvement qui a suivi sa manifestation. Je n’en ai eu aucune nouvelle! Le sournois rit dans sa barbe de tout ce vacarme américain et européen qu’il a excité avec la vieille friperie des vieux prodiges de mécanique et de ventriloquie, relégués jusqu’ici en France sur les théâtres de Comte et de Robert Houdin, successeurs de Fitz-James et de Borel.

Pour suivre l’historique des manifestations dites de Rochester, où des assemblées publiques et deux comités avaient été nommés pour rechercher la cause des nouveaux miracles, nous dirons que dans d’autres maisons que celle habitée par la jeune Margaretta Fox et sa sœur aînée, les manifestations se produisirent, et que dans une troisième ville du même état de New-York, Auburn, la plus jeune des demoiselles Fox, Catherine, âgée d’environ douze