Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France et puissant à l’étranger de nos idées et des talens qu’elles inspiraient. M. Nettement voit avec peine dans cette impulsion heureuse bien des traces de l’esprit révolutionnaire et du progrès démocratique. Il est certain que la France, usant des institutions qu’elle avait reçues, pleine d’ailleurs d’anciennes passions et d’intérêts de parti, ne fut pas toujours un champ à armes courtoises pour la monarchie restaurée. Elle se montra plus d’une fois imprudente, excessive dans ses vœux. Elle eut des fièvres de liberté, comme elle peut avoir de longs accès de langueur et d’abattement; mais faut-il s’en indigner dans le passé ? Était-ce chose injuste et déraisonnable qu’une nation vaillante et spirituelle, tant éprouvée depuis 1789, dont ses conducteurs avaient tant abusé, réduite plus tard à son territoire et dépouillée de ses conquêtes au milieu de l’agrandissement de toutes ses rivales, voulût tenir du moins avec passion à ses droits intérieurs et nouveaux, à ses libertés promises en 1789 et si longtemps interceptées ? Non. L’esprit formaliste, l’esprit inquiet, exigeant du pays sous la restauration, nous paraît avoir été naturel, et, à tout prendre, plus utile encore que fâcheux et contrariant. Puisse la France n’en pas dégénérer! L’apathie qui eût tout souffert, n’eût voulu s’enquérir de rien et se fût contentée d’obéir, eût été par comparaison un bien mauvais patriotisme. La jalouse surveillance sur les droits publics, l’esprit de liberté dans le cercle des lois, l’attention active aux affaires de l’état valaient mieux pour tous et pour le gouvernement lui-même, si peu qu’il comprît sa mission et choisît bien ses auxiliaires pour la remplir.

Ce fut en effet à travers des difficultés de ce genre, tantôt avec l’appui de l’opinion, tantôt avec l’espoir de la réconcilier, que la restauration fit trois choses diversement importantes : l’expédition d’Espagne, meilleure dans le résultat que dans le but projeté d’abord; l’expédition de Morée, ouverte par la bataille de Navarin et à jamais glorieuse; la conquête d’Alger enfin, cette seule extension de territoire qui nous reste et cette école de notre vaillante armée.

Gardons-nous donc de croire historiquement que le gouvernement constitutionnel ait été autant qu’on l’a dit un obstacle aux grandes choses, un embarras pour agir librement. Plus la personne ou l’intention des princes qui régnaient alors serait sévèrement jugée, plus la puissance d’une forme d’administration nationale apparaîtrait dans ce qui fut fait sous leurs auspices.

Passons maintenant de ces faits historiques au mouvement d’esprit qui dut les précéder ou les suivre : certes on s’explique assez que cette glorieuse activité de la France, au milieu des troubles fréquens de l’Europe, ait recommencé dès lors à nourrir parmi nous un certain orgueil, un amour-propre de race très favorable au