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de Salomon, la vieille enceinte des rois de Juda, ruines auxquelles le voyageur assigne ces noms, enfin les portes, les fontaines, attirent tour à tour son attention, et lui fournissent la moisson la plus ample d’observations et de conjectures. Enfin, après quelques mois partagés ainsi entre l’étude et les courses, le voyageur et ses amis traversent la Syrie, remontent jusqu’au Liban après avoir visité Damas, et s’embarquent pour la France dans ce même port de Beyrout qui les avait vus jeter l’ancre cinq mois auparavant.

Quels ont été les résultats de cette exploration ? — La solution d’un double problème, si nous en croyons le voyageur lui-même, homme d’imagination vive et d’esprit facile, qui joue avec l’érudition comme d’autres avec la poésie, et qui se trouvera toujours, vous pouvez en être sûr, là où il y a une difficulté à résoudre et un logogriphe à deviner. Ce voyageur est M. de Saulcy. La première énigme qu’il ait rencontrée sur sa route est le fastueux sépulcre qui cache si bien, sous les murs de Jérusalem, le nom de ceux dont jadis il a renfermé les dépouilles. La seconde touche également aux sciences naturelles et à l’archéologie, aux phénomènes dont les bords de la Mer-Morte gardent la trace et aux ruines qu’on a prétendu y retrouver. Commençons par la première des deux questions.

Quand on sort de la ville sainte par la porte de Damas, on marche pendant un demi-mille sur un plateau rougeâtre où croissent quelques oliviers. Là, on rencontre une excavation que l’on a comparée aux travaux abandonnés d’une ancienne carrière. Un chemin large et en pente douce vous conduit au fond de cette excavation, où l’on entre par une arcade. On se trouve alors au milieu d’une salle taillée dans le roc. Cette salle a trente pieds de long sur trente pieds de large, et les parois du rocher peuvent avoir de douze à quinze pieds d’élévation. La population arabe donne à cette excavation le nom de Qbour-el-Molouk, qui répond à celui de grottes royales ou tombeaux des rois dans le langage des Francs.

Depuis que Jérusalem est devenue un but de pèlerinage ou un objet de curiosité, il n’est pas de voyageur qui n’ait visité le tombeau des rois. C’est le plus beau, le plus intéressant de tous les monumens qui entourent cette ville, et déjà au moyen âge il jouissait d’une certaine célébrité. Pococke, Niebuhr, Yrby et Mangles, enfin MM. Robinson et Smith, ont tous pris soin de lever le plan du tombeau des rois. C’est ce que M. de Saulcy paraît avoir oublié, lorsqu’il assure que l’incertitude qui règne sur l’origine de ce tombeau provient de ce que personne avant lui ne l’avait examiné attentivement. Tout au contraire, comme on vient de le voir, les regards, depuis bien longtemps, sont fixés sur ce tombeau. Depuis bien longtemps aussi on dispute sur la destination funéraire d’un monument dont la qualification, à la fois si pompeuse et si vague, laisse errer l’imagination. En effet, de quels rois s’agit-il ? Les uns veulent y voir le sépulcre d’Hérode le Tétrarque, les autres celui d’Hélène, reine d’Adiabène[1]. M. de Saulcy est le premier qui se soit avisé d’y reconnaître les tombes authentiques des rois de Juda. Deux raisons

  1. Nous croyons savoir que telle est l’opinion de M. Raoul-Rochette, opinion qu’il aurait développée avec beaucoup d’érudition et de critique dans une séance de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.