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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/616

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jusqu’ici ont empêché tous ceux qui ont visité ce monument de concevoir une semblable idée, deux raisons bien graves, il le faut croire : la première, c’est que l’Écriture sainte et le sentiment universel placent les tombeaux des rois de Juda sur la montagne de Sion ; la seconde, c’est que l’architecture du tombeau des rois est bien plus dans le goût grec que dans celui de l’Orient.

Il y a des personnes qui s’effraieraient, en une matière si délicate, de se trouver seules de leur opinion. Cette crainte n’a point troublé M. de Saulcy. Enlever les tombes des rois de Juda de la colline de Sion, où chacun croit qu’elles sont enfouies depuis des centaines de siècles, c’était un vrai tour de force dont l’idée lui a souri. Que l’on veuille bien nous suivre dans l’examen de ce curieux point d’archéologie.

Quand on cherche à ramener cette question à son vrai point de départ, on reconnaît que toutes les hypothèses du savant académicien reposent uniquement sur une pure interprétation, sur le sens qu’il attribue à ces mots : la ville de David, locution fréquemment employée dans le corps des Écritures hébraïques pour désigner la partie la plus ancienne et la mieux fortifiée de Jérusalem. Selon M. de Saulcy, le nom de ville de David n’appartient point exclusivement, comme on l’avait pensé jusqu’ici, à cette portion de la cité qui était assise sur le rocher de Sion ; il veut que cette dénomination s’applique à Jérusalem tout entière. M. de Saulcy a ses raisons, comme on va le voir. Il est clair que du moment où la montagne de Sion ne peut plus être considérée comme étant spécialement l’assiette de la ville de David, les sépulcres des rois de Juda peuvent se rencontrer partout ailleurs, et il n’est pas moins facile de voir que, les passages de l’Écriture où il est dit que ces princes ont été ensevelis dans la ville de David se trouvant alors dépourvus de toute application à un lieu déterminé, le champ des hypothèses s’étend outre mesure. Pour mieux faire apprécier la valeur de cette observation, il est nécessaire d’entrer dans quelques détails sur la topographie de Jérusalem.

Au temps de Flavius Josèphe, cette ville était assise sur deux collines placées en face l’une de l’autre, au nord et au midi, de hauteur inégale, et séparées par une vallée. De là, comme dans une foule d’endroits, une ville haute et une ville basse. La ville haute, c’est-à-dire l’ancienne Jérusalem, était située sur la colline la plus méridionale ; elle s’élevait au-dessus d’un ravin profond qui serpentait à ses pieds, à l’est, au sud et à l’ouest, — le ravin des enfans d’Hinnom, c’est ainsi qu’on le désignait,— et se trouvait défendue vers le nord par une épaisse muraille flanquée de tours. Ce plateau, le plus escarpé de tous ceux sur lesquels s’étendait la cité sainte, n’était autre que la colline de Sion elle-même. Acra, la colline du nord, dominait le temple, qui s’élevait sur un autre plateau situé à l’est, sur le mont Moria. Cette éminence, qui n’était qu’un appendice de la colline de Sion, communiquait avec elle par un pont ou viaduc jeté sur une gorge étroite surnommée le Tyropéon, ou vallée des fromagers. Ainsi Jérusalem couvrait un sol accidenté, coupé par de profonds ravins formant comme de larges fissures au milieu de ses vastes plateaux. Par ses nombreux mamelons, elle rappelait cette autre cité, assise sur sept collines, qui lui dispute le premier rang dans l’histoire et dans le respect du monde.

Sion se trouvant la colline la plus élevée, l’avantage de cette situation