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exposé aux conséquences immédiates d’une grande défaite subie sur les bords de la Seine ou de la Marne. Ils jugeaient très sévèrement la conduite de leurs confédérés ; ils blâmaient la proposition d’un armistice, et surtout le peu de dignité et d’habileté qu’on avait posté dans des procédés souvent fort contradictoires :


« La question politique, écrivait lord Castlereagh à lord Aberdeen, a été misérablement compromise par les excès opposés dans lesquels on est tombé alternativement. Tantôt on poussait l’orgueil jusqu’à ne vouloir écouter aucune proposition, tantôt on se montrait ridiculement impatient d’être délivré de la présence de notre ennemi. »


Lord Aberdeen, de son côté, écrivait de Châtillon à lord Castlereagh :


« L’ennemi est, à mon sens, une source de dangers beaucoup moins redoutable que celle que nous avons parmi nous. Je ne puis trop souvent vous représenter l’état réel des esprits de ces faibles hommes par qui l’Europe est gouvernée. L’accord apparent qui avait eu lieu à Langres couvrait en réalité la défiance et la haine toujours subsistantes. Quelques succès cimenteront de nouveau cet accord ; mais si les hommes dont il s’agit doivent être sévèrement éprouvés par l’adversité, la dissolution est certaine. Votre présence a fait beaucoup, et, je n’en doute pas, les soutiendrait encore en cas de malheur ; mais sans elle ils seraient perdus. »


Cette conviction de la nécessité de la présence de lord Castlereagh pour maintenir en activité les ressorts de l’alliance se trouve reproduite à chaque instant dans les lettres des envoyés anglais. Ils y font parfois allusion à des circonstances qui ne sont pas expliquées et dont la connaissance plus précise jetterait un grand jour sur les hésitations et les dissensions intérieures de la coalition. On voit, par exemple, dans une lettre de lord Castlereagh à lord Liverpool, que pendant le séjour à Troyes du grand quartier-général, il y avait eu des discussions très pénibles entre l’empereur Alexandre et le ministre anglais, mais que les rapports les plus bienveillans et les plus intimes n’avaient pas tardé à se rétablir entre eux.

Le traité de Chaumont, signé le 1er mars par les ministres des affaires étrangères de l’Autriche, de la Grande-Bretagne, de la Prusse et de la Russie, fut le résultat des pourparlers par lesquels on vint à bout de raffermir l’édifice de la grande alliance, un moment ébranlé. Aux termes de ce traité, les quatre puissances prenaient l’engagement, au cas où la France refuserait les conditions qu’on lui avait proposées, de consacrer tous leurs moyens à poursuivre la guerre avec vigueur et dans un parfait concert, afin de procurer une paix générale. À cet effet, elles devaient tenir constamment en activité chacune cent cinquante mille hommes au complet ; l’Angleterre paierait pour cela un subside de 5 millions sterling à répartir entre ses trois alliés ; on ne pourrait faire la paix que d’un commun accord.