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pièce qu’on venait de leur communiquer était trop importante pour qu’ils pussent y faire, séance tenante, une réponse quelconque.

Cette réponse n’eut lieu que trois jours après, la majorité des plénipotentiaires ayant cru devoir, malgré la vive opposition de quelques-uns d’entre eux, demander préalablement aux souverains des instructions définitives dont la nature ne pouvait d’ailleurs être douteuse. Le 18, dans une dernière conférence, le comte de Stadion, portant la parole pour tous ses collègues, donna lecture au duc de Vicence d’un acte par lequel ils déclaraient, au nom et par l’ordre de leurs gouvernemens, que le contre-projet présenté par lui ne s’écartant pas seulement des bases qu’ils avaient proposées, mais étant essentiellement contraire à l’esprit qui les avait dictées, et indiquant de la part du gouvernement français le désir de traîner en longueur des négociations aussi inutiles que compromettantes, les puissances alliées regardaient ces négociations comme terminées ; qu’indissolublement unies pour le grand but qu’avec l’aide de Dieu elles espéraient atteindre, elles ne faisaient pas la guerre à la France ; qu’elles regardaient les justes dimensions de cet empire comme une des premières conditions d’un état d’équilibre politique, mais qu’elles ne poseraient pas les armes avant que les principes qu’elles soutenaient n’eussent été reconnus et admis par son gouvernement. Après une réplique ferme et mesurée du duc de Vicence, qui, tout en repoussant les accusations dirigées contre le cabinet français, faisait encore un appel à la discussion et à la conciliation, le congrès fut dissous le 19 mars. Napoléon, dont les armes avaient cessé d’être victorieuses, venait en ce moment même de se résigner à donner enfin à son ministre l’autorisation de faire les concessions qu’il jugerait indispensables pour empêcher la rupture des négociations : bientôt il alla plus loin, et le 25, le duc de Vicence, qui venait seulement de rejoindre l’empereur, put écrire à M. de Metternich qu’il était pourvu des pouvoirs nécessaires pour conclure la paix ; mais la marche rapide des événemens devait rendre inutile cette détermination si tardive.

La nouvelle de la dissolution du congrès fut reçue en Angleterre avec une vive satisfaction. Ce qu’on appelait les lenteurs, les ménagemens excessifs de la coalition excitait déjà dans ce pays beaucoup de mécontentement. Sur la fausse nouvelle que les préliminaires de la paix avaient été signés à Châtillon et que par conséquent Napoléon gardait sa couronne, les fonds avaient baissé à la bourse de Londres. Le sous-secrétaire d’état Edward Coke écrivait à lord Castlereagh : « Le rétablissement des Bourbons est considéré maintenant comme le sine qua non de la sécurité et du désarmement. » Lord Castlereagh, dans une lettre qu’il adressa à lord Bathurst, secrétaire