Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/692

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyant que c’étaient toujours les mêmes divisions, les mêmes régimens qu’ils avaient à combattre sur les points les plus éloignés, avaient fini par s’apercevoir du petit nombre de leurs adversaires. Ils avaient repris quelque confiance. Le découragement se glissait au contraire, sinon encore parmi les soldats, au moins parmi les lieutenans de Napoléon. Là où il ne se trouvait pas en personne avec son héroïque garde, plus d’un échec partiel était venu balancer l’effet de ses victoires. Les alliés, voulant en finir, mais n’osant l’attaquer corps à corps avant d’avoir rassemblé toutes leurs forces, prirent la résolution de réunir les armées de Schwarzenberg et de Blücher. Cette jonction ayant eu lieu sans qu’il pût s’y opposer, l’habileté de ses manœuvres, la timidité, l’irrésolution que sa présence jetait encore dans l’esprit de la plupart des généraux de la coalition, purent seules, à la bataille d’Arcis-sur-Aube, le préserver d’une destruction entière. L’unique voie de salut qui lui restât ouverte, c’était de tenter un de ces coups hardis qui contiennent nécessairement l’alternative d’une ruine complète ou d’un éclatant triomphe : il se décida à abandonner la défense directe de la route de Paris, à se porter sur les derrières de l’ennemi, à rallier les nombreuses garnisons de l’Alsace et de la Lorraine, et à se placer, ainsi renforcé, entre la frontière et les alliés, dont il eût rompu les communications.

Il espérait qu’effrayés d’un mouvement aussi audacieux, et craignant de se trouver coupés et isolés au centre de la France, les alliés s’empresseraient de rétrograder vers le Rhin. Peu s’en fallut, dit-on, que cette espérance ne se réalisât, et la retraite fut un moment à peu près résolue ; mais les conseils de quelques hommes plus fermes ou plus passionnés, appuyés par les avis qu’on recevait de Paris sur les intrigues qui s’y agitaient déjà contre le gouvernement impérial, finirent par l’emporter dans l’esprit de l’empereur Alexandre. L’ordre fut donné de diriger sans retard la presque totalité des forces coalisées sur la capitale de la France, dont les abords n’étaient plus protégés que par les maréchaux Marmont et Mortier, à la tête de vingt mille hommes au plus. Le prince de Schwarzenberg et le maréchal Blücher conduisaient l’expédition, l’empereur de Russie et le roi de Prusse marchaient avec elle ; mais l’empereur François, entraîné au loin par un des derniers mouvemens rétrogrades de l’armée autrichienne, se trouvait alors à Dijon, où étaient aussi non-seulement M. de Metternich, mais M. de Hardenberg et lord Castlereagh. L’Angleterre n’était représentée, sous le rapport politique, au quartier-général de la grande armée, que par lord Calhcart et sir Charles Stewart, accrédités diplomatiquement auprès des souverains de Russie et de Prusse.

Les lettres que sir Charles Stewart écrivait alors à lord Castlereagh